La première tempête de la saison soulève de grands espoirs au sein de l'industrie québécoise du ski. Parviendra-t-elle à remonter la pente?

«On prie les dieux de la neige pour qu'on ait une bonne saison. Le jamais deux sans trois, on n'y croit pas. Je pense que cette année, c'est la bonne.»

Alain Brochu, vice-président, ventes, marketing et communications, à la Station Mont-Tremblant, se décrit comme un «éternel optimiste». Un optimisme qui a été déçu deux fois au cours des deux dernières années.

«Ça n'a pas été le Klondike», admet M. Brochu en parlant de la dernière saison.

«La saison a été très douce et les skieurs sont sortis en bon nombre. Le problème, c'est qu'elle a commencé très tard et s'est terminée très tôt. Ça a produit des résultats décevants dans l'ensemble des stations», confirme Alexis Boyer-Lafontaine, directeur des communications à l'Association des stations de ski du Québec (ASSQ).

En fait, avec 6,1 millions de visites, la saison 2009-2010 passera à l'histoire comme la plus maigre de la décennie. Le problème pour les propriétaires de station, c'est qu'elle succède à une saison 2008-2009 elle-même nettement sous la moyenne des 6,6 millions de visites enregistrées au cours des derniers 10 ans.

Heureusement pour elles, les stations ont résisté à la tentation de brader leurs prix pour attirer les skieurs, dit Michel Archambault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat à l'UQAM.

Résultat: le revenu par visite est demeuré stable, permettant à 86% des stations de générer des profits. Mais de là à sortir la flûte de champagne dans le télésiège pour trinquer à la santé de l'industrie, il y a un pas que M. Archambault ne franchit pas.

«Les stations génèrent des liquidités, mais ce n'est pas de hauts niveaux. C'est assez pour faire l'entretien, faire de petites choses. Mais c'est insuffisant pour investir dans la modernisation des équipements, qui en ont bien besoin», dit M. Archambault.

«La santé est précaire, relativement fragile, continue le chercheur. C'est une industrie qui subit les contrecoups de plusieurs phénomènes dont les changements climatiques. Les stations sont obligées de regarder leur structure de coûts de très près.»

Selon M. Archambault, le nombre de skieurs tourne autour de 1,3 million au Québec, un chiffre plutôt stable. Le hic, c'est que ces skieurs sortent leurs planches en moyenne deux fois moins souvent qu'il y a 20 ans.

«Avant, l'hiver, tu faisais juste du ski alpin. Mais il y a eu une croissance du ski de fond, de la raquette et d'autres activités. Ça touche particulièrement les 18-30 ans», dit M. Archambault.

Autre aspect crucial: si quelques stations québécoises comme Tremblant ou Bromont ont diversifié leurs sources de revenus en misant sur l'immobilier, le golf ou d'autres activités estivales, la plupart comptent presqu'uniquement sur le ski faire sonner la caisse.

«Dans le nord-est des États-Unis, la majorité des stations tirent davantage de revenus d'activités comme l'école de ski, les boutiques, l'hébergement. Au Québec, dans bien des cas, la principale source de revenus, c'est la billetterie. Quand il n'y a pas de neige, ça fait mal», dit M. Archambault.

Les stations québécoises ont toutefois un beau succès à leur actif: les abonnements de saison, qui s'avèrent chaque année plus populaires. L'an dernier, 45% des visites en montagne leur étaient attribuables, contre 28% il y a 15 ans.

Abonnements de soir, sur semaine, avec des amis, alouette: l'offre s'est diversifiée et a clairement conquis le coeur des skieurs. Et rien n'indique que le phénomène est en voie de s'essouffler cette année, selon les propriétaires de stations interviewés par La Presse Affaires.

«La vente d'abonnements saisonniers est solide, et encore cette année, on est très, très heureux de ce qu'on voit», dit Louis-Philippe Hébert, président et chef de l'exploitation de Mont Saint-Sauveur International.

Reste qu'en 20 ans, le nombre de stations au Québec est passé de 116 à 77.

«Il est très possible que ça continue et que quelques stations s'avèrent incapables de suivre la marche», dit M. Archambault.