Aucun des cinq accusés, dans ce qu'on appelle le «procès Norbourg», n'a détourné d'argent. Mais par leurs agissements frauduleux, ils ont tous aidé Vincent Lacroix à en détourner. Ce faisant, ils ont fait en sorte que la fraude continue, jusqu'à avoisiner les 100 millions de dollars.







Voilà l'essentiel du message que le procureur de la Couronne Serge Brodeur a livré, hier matin, lors de son discours d'ouverture aux 12 jurés. Cette petite allocution visait à résumer la cause et la preuve que la Couronne entend faire à ce procès pour fraudes et fabrication de faux de Rémi Deschambault, Jean Cholette, Félicien Souka, Serge Beugré, et Jean Renaud. Il s'agit du deuxième procès pour eux, puisque le premier a avorté au début de l'année, sur un désaccord du jury. Hier matin, le juge Marc David a demandé au nouveau jury de ne pas spéculer sur les aléas du premier procès.





Pendant les quatre mois que doit durer ce second procès, les sept hommes et cinq femmes du jury verront défiler de nombreux témoins «ordinaires et experts», et on leur soumettra une preuve réunissant 2700 documents qui tiennent sur quelque 24 000 pages. Un document de travail, destiné à faciliter l'analyse de l'affaire et de l'implication de chacun des accusés, a été remis aux 12 jurés.

Dans la foulée du premier procès, et dans le but de simplifier la tâche du jury, la Couronne a réduit les chefs d'accusation. En tout, 180 accusations ont été retenues, mais elles ne concernent pas toujours tous les accusés. Rappelons que, au départ, Vincent Lacroix, grand manitou de Norbourg, était coaccusé, mais il a plaidé coupable en septembre 2009, au début du premier procès. Le juge David a fait valoir, hier, que ce plaidoyer de culpabilité ne signifiait pas que les autres étaient coupables. Il a aussi avisé les jurés qu'ils devraient juger chacun des accusés séparément, même s'il s'agit d'un procès commun. Au bout du compte, il y aura 607 verdicts à rendre.

Les accusés

Me Brodeur a tracé un bref portrait de chacun des accusés.

- Rémi Deschambault, 112 accusations: comptable agréé de La Prairie, il a agi comme vérificateur externe des fonds Norbourg. Il certifiait les états financiers et vérifiait les entreprises de Norbourg. «Il a omis d'exercer le rôle crucial» qui lui était dévolu, selon Me Brodeur. Il aurait reçu près de 1 million pour son travail, puisque Lacroix a acheté sa propriété (de La Prairie) au coût de 1,4 million, alors que l'immeuble valait seulement 485 000$.

- Serge Beugré, 158 chefs d'accusation: directeur général adjoint chez Norbourg, il était responsable des stratégies placements. Décrit comme le «bras droit» de Lacroix, c'est un homme instruit qui a entre autres une maîtrise en finances. Il a commencé chez Norbourg en 2002, et a contribué avec Félicien Souka à berner les inspecteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ils auraient fait des faux rapports pour les Fonds Norbourg et Evolution. Beugré a reçu 400 000$ pour son travail, selon la Couronne.

- Félicien Souka, 158 chefs d'accusation: il a commencé chez Norbourg à l'automne 2002. D'abord contractuel, il a été embauché à plein temps en 2003. Il fabriquait des faux documents. À l'automne 2004, il a déménagé dans un bungalow de Candiac, acheté par Lacroix. En février 2005, il a fondé une entreprise, Polymorphe Logic, qui faisait affaire avec Norbourg.

- Jean Cholette, 126 chefs d'accusation: il est arrivé au printemps 2001, et a agi comme contrôleur de l'entreprise jusqu'à l'automne 2003. Après, il a été affecté à la gestion comptable. «Il inscrivait des revenus et des dépenses fictives» selon Me Brodeur. Il aurait aussi créé de faux courriels et des fausses factures pour justifier des transferts d'argent.

- Jean Renaud, 53 chefs d'accusation: il administrait un programme d'aide fiscale au gouvernement du Québec. En décembre 2003, il a demandé et obtenu un congé sans solde pour «développer un logiciel de comptabilité». En fait, de février 2004 à mars 2005, sous le couvert de son entreprise, Expert Conseil, il a obtenu trois contrats de Norbourg. Il agissait comme services-conseils et assistance stratégiques d'affaires. Il aurait fabriqué de faux contrats, pour justifier des millions de dollars de revenus non déclarés. Il aurait reçu 400 000$, plus taxe, selon Me Brodeur.

Le procès est maintenant sur les rails.