L'histoire est en voie de devenir un véritable feuilleton fiscal. Revenu Québec et l'ex-propriétaire des patins Bauer s'affrontent en cour depuis 16 ans sur une facture qui s'élève maintenant à 21,2 millions de dollars.

Or, le débat qu'on pensait terminé pourrait se transporter à l'un des endroits les plus inimaginables, soit Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest! Ce subterfuge repousserait encore de plusieurs années le moment où le fisc québécois pourrait récupérer son dû.

Rappelons les faits. En 1994, l'entrepreneur Icaro Olivieri, de Westmount, vend son entreprise familiale Canstar Sports à la multinationale Nike. Canstar est le fabricant des fameux patins de marque Bauer.

La transaction rapporte 252 millions à la famille Olivieri. La structure fiscale de la transaction est telle qu'elle permet à la famille d'éviter le paiement de plusieurs millions de dollars d'impôts au fisc québécois.

Revenu Québec ne s'en laisse toutefois pas imposer. Il conteste cette structure et a gain de cause devant la Cour du Québec en juin 2006 et la Cour d'appel en janvier 2009. La Cour suprême refuse d'entendre l'affaire en septembre 2009.

Bref, la famille Olivieri a épuisé tous ses recours judiciaires et doit maintenant faire un chèque de 21,2 millions de dollars au fisc, en incluant les pénalités et intérêts.

Affaire classée? Pas du tout. OGT Holdings refuse toujours de payer son dû à Revenu Québec, invoquant les contestations de tierces parties. Devant cet affront, le fisc décide de prendre les grands moyens et réclame, en juin 2010, la faillite de l'entreprise OGT Holdings.

Le fisc veut au moins mettre la main sur les actifs connus d'OGT, soit les comptes à recevoir et les objets d'art, qui valent environ 500 000$. La mise en faillite d'OGT permettrait également au fisc de fouiller les livres d'OGT et de faire annuler des transactions passées qui auraient pu être faites au détriment des créanciers.

La requête en faillite ne passera pas comme une lettre à la poste, toutefois. OGT Holdings soutient qu'elle n'est nullement insolvable. Surtout, elle affirme que Revenu Québec ne s'adresse pas au bon tribunal pour sa requête en faillite, à Montréal, puisque OGT est incorporée dans les Territoires du Nord-Ouest. OGT demande donc que tout le dossier soit plaidé à Yellowknife, à 5000 km de Montréal!

Revenu Québec avait prévu cette réplique. Dans sa requête de mise en faillite, elle reconnaît qu'OGT est incorporée dans les Territoires du Nord-Ouest. Cependant, elle fait valoir qu'OGT n'a aucun actif connu à Yellowknife, que ses états financiers sont signés par Jacopo Olivieri (fils de Icaro), de Westmount, et qu'ils ont été préparé par une firme comptable de Montréal.

Ces éléments «constituent des indices visant à démontrer que le district judiciaire de la localité du débiteur est le district de Montréal», écrit Revenu Québec.

De son côté, OGT affirme qu'elle a bel et bien des actifs à Yellowknife. Qui plus est, ses avocats de la firme Sweibel Novek suggèrent la possibilité de faire une proposition aux créanciers, essentiellement le fisc, plutôt que de faire faillite.

Bref, le débat est loin d'être clos. La Cour supérieure de Montréal entendra les nouveaux arguments des deux parties le 28 octobre prochain. Difficile de dire, cependant, quand les contribuables finiront par bénéficier des 21 millions...