La société américaine Delek souhaite reprendre les négociations pour l'achat de la raffinerie Shell de Montréal-Est si la multinationale est prête à mettre de l'eau dans son vin - et à vendre ses installations. C'est ce qu'a déclaré le président de l'entreprise, Jim Boles, qui a comparu mardi devant un comité parlementaire.

Shell a répliqué qu'elle était toujours prête à vendre la raffinerie à certaines conditions, mais qu'il commençait à se faire tard. «Je tiens à être clair. La vente de la raffinerie a toujours été notre premier choix», a déclaré le vice-président de l'entreprise, Richard Oblath.

Mais «ce processus dure maintenant depuis plus d'une année, et ce dernier acheteur s'est manifesté à la dernière minute et a présenté une déclaration d'intérêt à la date limite du 1er juin», a-t-il ajouté.

Jim Boles, qui a participé aux pourparlers qui ont pris fin le mois dernier, a précisé que c'était le fait que les installations seraient pratiquement fermées d'ici septembre qui l'ont amené à prendre sa décision de cesser de négocier.

Pour continuer à exploiter les installations en tant que raffinerie, Shell doit procéder à des mises à niveau urgentes, ce que l'entreprise ne prévoit pas faire, puisqu'elle souhaite convertir le terrain en un terminal qui emploierait une trentaine de personnes, plutôt que les 400 qui y travaillent présentement. Une injonction de la Cour supérieure l'empêche de procéder au démantèlement jusqu'au 10 septembre.

«Nous sommes intéressés par cette entreprise et nous croyons que nous pouvons établir un plan d'affaires», a toutefois déclaré Jim Boles devant le comité parlementaire de l'industrie.

«Nous n'allons pas payer 150 millions de dollars pour une raffinerie fermée», a-t-il cependant martelé.

Cette déclaration a été accueillie favorablement par Michael Fortier, qui dirigeait le comité mis sur pied par le gouvernement du Québec l'hiver dernier pour tenter de trouver un acheteur. «On entend clairement les représentants de Shell dire qu'ils sont encore vendeurs et ceux de Delek dire qu'ils sont encore intéressés. Je pense que le jeu en vaut la chandelle, qu'ils passent un peu de temps ensemble pour voir s'ils ne peuvent pas trouver un terrain d'entente sur les éléments qui les ont séparés», a-t-il dit.

Mais dans une déclaration faite en après-midi mardi, Shell a réitéré ses conditions de vente. «Nous vendrons la raffinerie au prix d'achat indiqué dans la liste de conditions, si nous pouvons conclure une entente assez rapidement pour que Delek fasse la révision et assure la continuité de l'approvisionnement, et si la vente est conclue à des conditions raisonnables et typiques de cette industrie», a martelé Richard Oblath.

Lors de son témoignage, M. Oblath a décrit les chiffres mis sur la table par Delek en juin dernier comme étant des «manifestations d'intérêt», qu'il a qualifiées «d'inadéquates». Shell demande de 150 à 200 millions. Le prix offert pour acheter la raffinerie oscillait autour de 110 millions, a indiqué M. Oblath. Delek souhaitait aussi mettre la main sur les stations-service du Québec et de l'est du Canada.

«On se fait fourrer»

Durant toute la réunion de mardi, le Parti libéral, le NPD et le président du syndicat des travailleurs de Shell, Jean-Claude Rocheleau, ont mis en doute la réelle volonté de Shell de vendre la raffinerie.

«J'ai vraiment l'impression qu'on se fait fourrer aujourd'hui, a tonné le député libéral Denis Coderre. Ça n'a pas de bon sens ! On est en train de nous dire qu'on voulait vendre une raffinerie qui, finalement, était tellement désuète que ça ne valait pas plus qu'une cour à "scrap". Mais vous demandiez 150 à 200 millions pour qu'on puisse revendre ça. Montréal mérite plus que d'être un parking à gaz.»

M. Coderre a demandé au premier ministre Stephen Harper d'appeler lui-même le PDG de Shell pour l'inviter à reprendre les négociations.