Après des années de tergiversations, le marché réglementé des crédits de carbone est à nos portes au Québec. Et Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), première grande firme comptable à avoir raflé des mandats de vérification dans le domaine du carbone dans la province, s'y prépare activement.

RCGT a déjà réalisé plus d'une demi-douzaine de mandats de vérification liés aux gaz à effet de serre (GES) au Québec et dit en avoir encore «sept ou huit» dans ses cartons.

Puisque aucune entreprise n'est encore obligée de réduire ses émissions de GES, la firme n'intervient pour l'instant que dans le marché volontaire. Mais elle voit ça comme une répétition générale.

«On voit venir le marché en 2012. L'année 2012 semble être celle où ça va exploser», dit Gérald Daly, associé, risque et contrôle, chez RCGT.

Dès 2012, les gros émetteurs du Québec devront en effet réduire leurs émissions en vertu du Western Climate Initiative, un marché de carbone qui regroupera quatre provinces canadiennes et sept États américains (voir encadré). Les entreprises auront le choix: réduire leurs émissions à l'interne ou acheter des crédits de carbone pour les compenser.

Quels bénéfices une firme de vérification comme RCGT peut-elle en tirer? Il y en a plusieurs, répond M. Daly. D'abord, dès cette année, toutes les entreprises québécoises qui émettent plus de 10 000 tonnes de CO2 devront déclarer leurs émissions au gouvernement. Pour l'instant, celui-ci n'exige pas qu'une firme de vérification externe confirme la validité des chiffres fournis. Mais, pour les émissions de 2011, les entreprises qui émettent plus de 25 000 tonnes devront le faire.

RCGT veut aussi offrir des services de «consultation» aux entreprises qui doivent faire face à la nouvelle réglementation.

«Plusieurs entreprises vont se poser des questions. Est-ce que je suis réglementée? Est-ce que j'émets 10 000 tonnes? Et à partir du moment où on conclut qu'on est réglementé, il faut partir un projet de réduction - plusieurs entreprises n'ont jamais fait ça», dit M. Daly.

Mais pour la firme comptable, les occasions d'affaires les plus intéressantes ne se trouvent pas du côté des entreprises réglementées (il y en aurait environ 215, selon des estimations du gouvernement), mais bien du côté de celles qui créeront des projets de réduction pour vendre des crédits de carbone.

Or, ces crédits devront être vérifiés avant d'être vendus.

«Il y a une industrie qui se crée autour de ça. Notre marché, il est là», dit M. Daly.

Pour se tailler une place dans ce marché en émergence, RCGT n'a fait ni une ni deux. Elle est allée chercher le tout premier comptable spécialisé en crédits de carbone au Québec et encore aujourd'hui le plus actif: Roger Fournier, qui avait fondé la firme GDTS Environnement.

Dès 2005, M. Fournier a pris le pari de se lancer dans la vérification des réductions et des stocks de GES. Depuis, il a effectué plus de 60 mandats. En janvier, il est devenu premier directeur principal, Environnement - gaz à effet de serre, chez RCGT.

La firme comptable a aussi fait accréditer six autres employés pour qu'ils puissent vérifier des stocks ou des réductions de GES.

Marchés de carbone: une course avant le fil d'arrivée

Western Climate Initiative (WCI), Regional Greenhouse Gas Initiative, Midwestern GHG Reduction Accord: en l'absence de marché de carbone imposé par les gouvernements fédéraux, plusieurs marchés régionaux sont en train de se mettre en place en Amérique du Nord, chacun regroupant un certain nombre d'États américains et de provinces canadiennes. Ajoutez à cela un gouvernement américain qui planche sur un marché fédéral (auquel se joindrait probablement le Canada) et l'Environnemental Protection Agency qui a aussi le pouvoir de réglementer les entreprises américaines et vous avez là un joyeux fouillis de normes et de règles en préparation. «On se sent dans la période du bêta et du VHS. Il y a des normes partout», lance Gérald Daly, associé, risque et contrôle, chez RCGT. Pour l'instant, il semble acquis que le WCI, auquel participe le Québec, sera le premier marché à entrer en fonction en 2012. Il reste à voir si d'autres marchés s'y grefferont avant sa mise en place, et à quel moment ces marchés régionaux céderont le pas aux marchés fédéraux.