Loto-Québec espère offrir du poker et du pari sportif en ligne à sa clientèle à compter de l'été prochain.

Le président et chef de la direction de la société d'État, Alain Cousineau, en a fait l'annonce, mardi, à l'issue d'une allocution devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Ce qu'on vise au départ, c'est le poker, qui est le jeu le plus populaire sur internet à l'heure actuelle, a précisé M. Cousineau. Le poker en passant n'est pas un jeu où la société a un avantage maison. Ce sont les joueurs entre eux qui s'échangent des gains et des pertes. Nous on prend une commission sur les transactions.»

«Le pari sportif à travers le monde c'est aussi la deuxième activité je dirais, en Europe en particulier. Sauf qu'au Canada, le parti sportif sur événement est illégal. C'est évident qu'on ne proposera pas du pari sportif sur événement: on propose du pari sportif qui implique au moins trois choix, comme on le fait déjà ici», a-t-il poursuivi.

Lors de l'allocution, M. Cousineau a souligné que le phénomène du jeu virtuel par Internet ou d'autres moyens de communication mobiles comme les téléphones portatifs est en forte progression, particulièrement auprès des jeunes adultes. Il s'est défendu auprès des médias, par la suite, de vouloir encourager le jeu chez les jeunes adultes: «Je ne pense pas qu'on va encourager grand-chose. À l'heure actuelle, ils sont déjà là les jeunes. Les 18-35 ans sont déjà sur le jeu en ligne. Il y a 2000 sites accessibles.»

Or, cette offre de jeu n'est assortie d'aucune mesure de prévention du jeu excessif et n'est soumise à aucun contrôle entourant l'âge des joueurs, la limite de temps de jeu ou de budget et ainsi de suite.

Dans plusieurs cas, cette offre de jeu en ligne est carrément illégale. De fait, il existe présentement quelque 2000 sites illégaux de jeux de hasard et d'argent en ligne auxquels peuvent accéder les Québécois.

M. Cousineau estime que Loto-Québec sera en mesure d'offrir une solution de rechange légale et responsable. «Ce qu'on veut, c'est substituer un site auquel les gens vont faire confiance, a-t-il fait valoir. Évidemment, il y a toute une relation de confiance entre ces sites illégaux: est-ce que je vais être payé? est-ce que je donne ma carte de débit? etc.»

«On pense que si c'est un site comme Loto-Québec, les gens vont avoir confiance et il va y avoir à l'intérieur des paramètres de jeu responsable qui vont contrôler le temps de jeu, le budget. On essaie de trouver les meilleures pratiques à l'échelle mondiale.»

La société d'État a d'ailleurs déjà demandé au gouvernement du Québec d'apporter les modifications réglementaires requises pour lui permettre de se lancer dans ce marché. Elle entend le faire en collaboration avec les deux autres sociétés d'État canadiennes qui ont déjà une offre de jeu en ligne, soit celle des quatre provinces de l'Atlantique et celle de la Colombie-Britannique.

La manoeuvre offre par ailleurs une occasion d'affaires qui n'est pas négligeable: des études démontrent que le jeu en ligne représente un marché mondial de 25,3 milliards $ en 2009, soit une croissance de 300% depuis 2004.

Au Canada, le secteur connaît une croissance annuelle de 30% depuis 2003 et les analystes s'attendent à ce qu'il dépasse le milliard de dollars d'ici 2012. Les revenus provenant du Québec sont évalués autour de 80 millions $ en 2009.

«L'offre de jeu elle est là, a noté M. Cousineau. Au Canada on a dit c'est un milliard $. Nous, ce qu'on va chercher c'est une part de marché de ce milliard-là. On n'augmente pas l'offre de jeu. Il y a 2000 sites illégaux. C'est l'offre de jeu légale et gouvernementale ou l'offre de jeu publique qui sera légèrement augmentée.»

Préalablement, il avait rappelé que les revenus et bénéfices générés par les produits traditionnels de Loto-Québec, soit les casinos, les appareils de loterie vidéo et les loteries, ont plafonné depuis quelques années.

Par ailleurs, il est clair que les méthodes informatiques empêchent de «pirater» la clientèle d'une province à l'autre, a précisé le PDG de Loto-Québec. «Toutes les sociétés d'État et tous les gouvernements qui en sont arrivés à autoriser le jeu en ligne ont eu des assurances que leurs ressortissants n'enverraient pas des revenus dans d'autres juridictions. Ce qui est clair, c'est que les revenus générés au Québec vont rester au Québec.»

«Dans un schème pancanadien, si c'est un joueur de Colombie-Britannique, les revenus vont aller en Colombie-Britannique, si c'est un joueur du Québec les revenus vont aller au Québec, parce que la technologie aujourd'hui permet d'identifier de façon à peu près certaine la provenance du joueur», a insisté M. Cousineau.

L'intention de la société d'État d'attaquer ce nouveau marché suscite déjà des inquiétudes, notamment chez Sol Boxenbaum, de la coalition EmJeu.

«C'est impossible d'offrir un service responsable parce que c'est impossible de connaître l'âge des joueurs, leurs capacités», fait valoir M. Boxenbaum, aussi de l'organisme Viva Consulting.

«Maintenant, au fait que le jeu en ligne existe déjà, ce n'est pas une réponse que de dire «la loi est déjà violée, on va ajouter au problème', avertit-il. C'est ça qu'ils font, en vérité.»

«Pour moi, être capable de jouer chez soi 24 heures par jour, ça n'a jamais semblé être une bonne idée», ajoute M. Boxenbaum.