La Caisse de dépôt ne perdra pas d'argent cette année, mais ses rendements seront nettement moins bons que ceux de ses pairs. Le nouveau PDG, Michael Sabia, n'a toutefois pas grand-chose à voir avec ces mauvais résultats. Voici pourquoi.

D'abord, parmi les observateurs avisés, personne n'est surpris d'apprendre que la Caisse a des résultats inférieurs à ceux des autres caisses de retraite cette année. Hier, notre collègue Denis Lessard, avec ses excellentes sources, a écrit que la Caisse obtenait un rendement de 5 ou 6% pour les 10 premiers mois de l'année, comparativement à 10 à 12% pour les pairs.

Cet écart avec la concurrence est déjà connu depuis trois mois. À la mi-août, la Caisse a en effet donné un aperçu de ses résultats semestriels. Elle rapportait alors un gain de 5% entre janvier et juin, gain qui était toutefois annulé entièrement par la déconfiture de son portefeuille immobilier. En comparaison, les pairs avaient fait 6 ou 7% durant la même période.

Position en actions

Deuxième élément connu: le portefeuille de la Caisse contenait proportionnellement moins d'actions que les autres caisses de retraite en début d'année. L'institution avait alors 22% de son portefeuille en actions, comparativement à 30% pour OMERS et 42% pour Teachers', deux caisses ontariennes.

Hier, le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon, a indiqué que la Caisse avait rebâti sa position en actions depuis mars. Au 30 septembre, elle avait 34% de son portefeuille en actions, dit-il. Cet ajout de 12 points de pourcentage (de 22 à 34%) vient, d'une part, de la hausse des marchés et, d'autre part, d'une injection de fonds de la Caisse. L'institution a en effet injecté 8,5 milliards de dollars provenant de son portefeuille de revenus fixes, a indiqué M. Chagnon.

Cet ajout de fonds s'est néanmoins fait progressivement. La Caisse n'a donc pu profiter pleinement du boum boursier comme ses pairs. Aux États-Unis, le Dow Jones est en hausse de 17% depuis le début de l'année et, au Canada, l'indice TSX de la Bourse de Toronto a grimpé de 27%.

Michael Sabia peut donc difficilement être tenu responsable de cette sous-pondération en actions. Le nouveau PDG a pris la barre de l'entreprise en mars et il a hérité des stratégies de l'administration précédente.

La sous-pondération du début d'année s'expliquait notamment par la politique de couverture de change particulière de la Caisse. L'automne dernier, la brusque chute du huard a obligé l'institution à décaisser 8,9 milliards de dollars pour faire face à ses appels de couverture. Ces milliards ont été obtenus non pas par la vente d'immeubles - un processus long et fastidieux - mais par la liquidation de titres boursiers. Cette liquidation, entre autres, a fait chuter la pondération en actions de la Caisse.

Michael Sabia doit également composer avec l'imposant portefeuille immobilier de l'institution. La Caisse a une forte présence immobilière aux États-Unis, un marché où les prix sont en baisse de 35 à 45% depuis le sommet de 2007.

Certes, les immeubles de la Caisse sont de première catégorie. Toutefois, les cycles immobiliers sont longs et, avant que le marché ne remonte, d'ici 18 mois, le portefeuille continuera de perdre des plumes.

Autre élément: la précédente administration avait choisi de miser environ 3 milliards de dollars dans le secteur des prêts hypothécaires mezzanines aux États-Unis. Or, ces prêts de deuxième rang, plus risqués, ont perdu énormément de valeur, affectant d'autant le rendement de la Caisse.

Enfin, le nouveau chef des placements de la Caisse, Roland Lescure, a été nommé en juillet, mais n'est arrivé à la Caisse qu'à la mi-octobre. Son empreinte sur les rendements de la Caisse ne se fera donc réellement sentir qu'en 2010.

Bref, Michael Sabia doit encore composer avec les stratégies contestables de l'administration précédente, soit le surinvestissement dans les papiers commerciaux risqués et dans l'immobilier, notamment. C'est l'année 2010 qui sera déterminante pour juger de l'équipe Sabia-Lescure.