Plus transparentes qu'avant, nos sociétés d'État gardent quand même des secrets. Des gros. Ni la Gazette officielle ni les rapports annuels ne détaillent les régimes de retraite des dirigeants des sociétés d'État, qui font pourtant partie de leur rémunération.

La Caisse de dépôt est l'exception à la règle. Son rapport annuel contient un tableau indiquant clairement les prestations de retraite qui ont été accordées à ses dirigeants et le coût du régime.

En un coup d'oeil, on apprend ainsi que l'ancien président Henri-Paul Rousseau, à 60 ans et après six années passées à la Caisse, aura droit à une rente garantie de 267 700$ par année pour le reste de sa vie, ce qui oblige son ancien employeur à mettre de côté 3,3 millions pour le payer.

La Caisse révèle aussi que Richard Guay, qui a 14 ans d'ancienneté, est considéré aux fins du régime de retraite comme ayant 22 années de service, ce qui améliorera passablement son sort une fois rendu à la retraite.

Tous les autres dirigeants de sociétés d'État profitent aussi d'un régime de retraite particulier, qui s'ajoute au régime de base accordé aux autres cadres et tous les employés. Ce sont ce qu'on appelle les «Top Hats».

Même si d'énormes sommes d'argent sont en jeu, aucune société d'État ne publie les détails des régimes de retraites de leurs dirigeants, sauf la Caisse «qui veut se conformer aux meilleures pratiques de gouvernance», selon son porte-parole Maxime Chagnon.

Pour l'expert en rémunération André Perreault, de PCI, ce n'est pas pour rien que les sociétés d'État restent discrètes sur leurs Top Hats. «C'est encore de ce côté-là que peuvent se faire des deals sucrés», dit-il.

Traditionnellement, explique-t-il, le gouvernement bonifiait les régimes de retraite des dirigeants pour compenser des salaires inférieurs au secteur privé et l'absence de régime d'intéressement à long terme dans les sociétés d'État.

Ce n'est plus le cas. Les salaires ont grimpé rapidement et les bonis se sont généralisés, du moins dans les plus grosses des sociétés d'État.

C'est ainsi qu'à la Caisse de dépôt, sous Henri-Paul Rousseau, la rémunération du président et chef de la direction au augmenté considérablement. Après avoir laissé un salaire de banquier pour diriger la Caisse, M. Rousseau l'a quittée six ans plus tard avec... un salaire de banquier.

Entre 2006 et 2008, la rémunération totale de M. Rousseau a été supérieure à celle du président de la Banque Laurentienne, si on ne tient pas compte des options d'achats d'actions.

Moi aussi, moi aussi

En plus d'avoir eu peu d'impact sur l'amélioration de la gestion de sociétés d'État, la publication de la rémunération de leurs dirigeants a eu un effet inattendu: la surenchère.

«Ça fait partie des mauvais côtés, dit Michel Nadeau, de l'Institut pour la gouvernance des institutions publiques et privées. On en veut toujours plus».

«Depuis qu'on connaît le salaire des joueurs de ho-ckey, ils n'ont pas baissé, au contraire», dit le conseiller en rémunération André Perreault.

L'inflation a commencé à sévir. Entre 2007 et 2008, les dirigeants d'Investissement Québec ont tous augmenté leur rémunération, même si le bilan de l'entreprise, lui, ne s'est pas amélioré et que la gestion douteuse des Fonds d'investissement économiques régionaux (FIERS) a fait les manchettes. Le boni du vice-président André Côté a même bondi de 74% en un an.

Investissement-Québec rapporte dans son rapport annuel combien ses activités ont consommé d'électricité et la quantité d'eau que ses employés ont bu, mais pas d'information sur le régime de retraite de ses dirigeants.

Hydro-Québec non plus. Mais Thierry Vandal, deuxième salarié de l'État après le président de la Caisse a obtenu en 2008 une bonification de sa rente de retraite, qui s'accumule maintenant à raison de 3,5% de la rémunération totale (salaire et boni) par année, plutôt que 3%. Effet de la surenchère? Peut-être.

Le régime supplémentaire du président d'Hydro-Québec prévoit aussi qu'il accumule deux années de service pour chaque année travaillée.

Les autres Top Hats nous réservent peut-être des surprises. Le peu qu'on sait des régimes supplémentaires dont profitent tous les dirigeants des sociétés d'État indiquent qu'ils sont très généreux.

Quand ils quitteront leurs postes, on finira par savoir avec précision à combien s'élève la rente garantie qui leur a été consentie et on constatera probablement qu'il y a eu pas mal d'inflation dans le domaine.

En 2003, on s'est insurgé de la rente de 85 000$ négociée par Claude Blanchet quand il a quitté la présidence de la Société générale de financement après six années de service. Cinq ans plus tard, Henri-Paul Rousseau, quitte la Caisse après six années de service avec près de 300 000$ par année.

Son prédécesseur Jean-Claude Scraire, après 17 années à la Caisse, était parti avec une rente annuelle de 200 000$, après une négociation difficile avec le gouvernement.