La Couronne demande le maximum de 14 ans de prison pour l'auteur du «plus grand scandale financier du Québec, et peut-être du Canada».

Vincent Lacroix a agi par appât du gain et du lucre, l'ampleur de sa fraude n'a pas d'égal et ses remords sont douteux, a fait valoir le procureur Serge Brodeur, alors qu'il plaidait devant le juge Richard Wagner, hier, dans le cadre des plaidoiries sur la peine à imposer à Lacroix. Ce dernier a plaidé coupable en début de semaine aux 200 accusations de fraude, fabrication de faux, complot, et recyclage de produits de la criminalité. Par ses manigances, 9200 investisseurs ont perdu environ 115 millions, entre 2002 et 2005. Me Brodeur ne trouve aucune circonstance atténuante à Lacroix, et dit même craindre une récidive de sa part. «J'ai peur de lui. En juin dernier, il pensait à retourner en finances», a dit le procureur.

L'avocate de Lacroix, Marie-Hélène Giroux, estime pour sa part qu'une peine de 10 à 12 ans de prison serait appropriée dans les circonstances. À son avis, les remords de Lacroix sont sincères, et ses efforts de réhabilitation sont réels. Il collabore pour aider les victimes à retrouver leur argent, et il a évolué dans sa prise de conscience. De plus, avec l'hypermédiatisation de toute l'affaire, sa vie personnelle est anéantie. Il est ostracisé, et se fait insulter quand il sort. «C'est un homme mort», a dit Me Giroux. Au terme des plaidoiries, hier après-midi, le juge Wagner a annoncé qu'il rendra sa décision le 9 octobre.

Lacroix devrait être admissible à la libération conditionnelle au sixième de sa peine, quelle qu'en soit la durée.

«Les bottines doivent suivre les babines»

En avant-midi, c'est Lacroix lui-même qui avait pris la parole. Il a raconté avoir travaillé en finances de 1991 à 2005. À force de travailler dans ce domaine, où ce sont les «chiffres qui parlent», il en est venu à perdre son «côté humain», a-t-il dit. Mais il travaille fort pour retrouver ce côté humain. Il faut lui laisser le temps. «C'est pas comme un commutateur on/off.»

À cause de cet apparent manque d'humanité, Lacroix dit comprendre que les gens doutent de sa sincérité. Il se dit cependant sincère. Un intervenant en maison de transition lui a dit qu'il fallait que « les bottines suivent les babines», et c'est ce qu'il s'efforce de faire. Il a déjà donné de longues déclarations à la GRC, et se dit prêt à témoigner si le recours collectif intenté contre l'Autorité des marchés financiers (AMF), quelques organismes et lui-même aboutit à un procès. Il admet vouer une «haine morbide» à l'endroit de l'AMF, qui a commis selon lui un véritable lynchage public avec lui, lors du procès pénal. Il affirme qu'il était prêt à plaider coupable lors de ce procès, mais il voulait une peine raisonnable, ce que l'AMF refusait absolument. Selon lui, cette peine juste est celle de cinq ans, comme la Cour d'appel l'a statué à la fin de l'été. Rappelons que la peine de Lacroix est passée de 12 ans à huit ans et demi, puis à cinq ans moins un jour, à l'occasion d'appels successifs.

Au sujet de Norbourg, Lacroix a parlé de «notre folie de mégalomanie.» «On n'a jamais réussi à avoir de prêt bancaire. Tout a été financé par les investisseurs », a dit Lacroix. Cet argent a servi à financer des acquisitions, à acheter des immeubles et des maisons, à assurer le fonctionnement des sociétés, à payer les salaires et les impôts et à soutenir un «gros train de vie corporatif», selon l'expression de Lacroix. Ses dépenses professionnelles s'élevaient à 50 000 $ par semaine (restos, sorties dans les clubs, voyages...) Il affirme sans sourciller que son train de vie personnel n'a pas changé avant et après l'éclatement de Norbourg.

Rappelons enfin que Lacroix est détenu depuis qu'il a enregistré son plaidoyer de culpabilité, lundi. L'exercice d'hier s'est déroulé dans une salle bondée.