Le milieu des affaires réagit fortement à l'intention de Québec d'encadrer plus sévèrement les planifications fiscales agressives (PFA), qui respectent la lettre de la loi, mais pas son esprit.

En fait, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) redoute carrément que des entreprises ne «déménagent leurs sièges sociaux ou leurs activités financières» à l'extérieur de la province si le gouvernement va de l'avant avec son projet.

La plupart des mémoires déposés auprès du ministère des Finances dans le cadre de la consultation menée plus tôt cette année s'opposent en tout ou en partie aux propositions mises de l'avant par Québec dans son Livre vert sur la question, même s'ils se disent d'accord avec l'objectif du gouvernement de protéger sa base fiscale.

S'inspirant des régimes fiscaux américains et britannique, Québec propose notamment d'obliger les entreprises à divulguer rapidement les opérations ou les arrangements auxquels elles recourent pour payer moins d'impôt. Si elles s'abstenaient de faire une déclaration, elles s'exposeraient à des pénalités allant de 10 000 à 100 000 $.

Le gouvernement vise plus particulièrement les transactions confidentielles, les opérations qui procurent une «rémunération conditionnelle au résultat» (économie d'impôt) à des conseillers fiscaux ou à des promoteurs, de même que les «produits fiscaux prêts à l'emploi».

Les cabinets comptables Deloitte et PricewaterhouseCoopers, l'Ordre des comptables agréés et celui des CGA, de même que l'Institut des cadres fiscalistes, l'Association canadienne d'études fiscales, l'Association de planification fiscale et l'Association du barreau canadien, estiment tous que les mesures de divulgation proposées ratissent trop larges. A divers degrés, ces organisations pressent Québec d'en restreindre l'application, à l'égard notamment d'opérations fiscales «routinières» ou liées à la bonne marche des affaires.



«Déconnecté de la réalité»


Mais c'est la Fédération des chambres de commerce, sous la plume de sa présidente-directrice générale, Françoise Bertrand, qui mène la charge la plus virulente: selon l'organisme, l'approche préconisée par le gouvernement «apparaît déconnectée de la réalité concurrentielle et de la pratique courante».

A l'instar de plusieurs autres intervenants, la FCCQ implore Québec d'obtenir le consensus des autres provinces et d'Ottawa avant de changer ses règles fiscales. Comme les gouvernements réussissent régulièrement à débusquer des PFA, on soutient majoritairement que le système actuel fonctionne adéquatement.

Plaidant comme bien d'autres pour une harmonisation des règles fiscales à l'échelle pancanadienne, l'Association de planification fiscale affirme que ce sont les différences entre le régime québécois et celui du gouvernement fédéral qui sont «à l'origine de la plupart des PFA» des dernières années.

«Afin d'accroître la compétitivité du Québec, le gouvernement ne devrait pas nuire à la planification financière et fiscale, martèle la FCCQ. En fait, il devrait protéger le droit à la planification financière et fiscale et en faire la promotion.»

Selon la Fédération, qui dit représenter plus de 40 000 entreprises et 100 000 gens d'affaires, «le remède proposé par le gouvernement (est) pire que le mal à combattre» parce qu'il «soupçonne une grande partie des planifications parfaitement légitimes», en plus d'accroître le fardeau de travail des entreprises et des fonctionnaires.

Plusieurs mémoires soumis à Québec font remarquer qu'il est difficile, voire impossible, de définir avec précision ce qui constitue une planification fiscale agressive. La FCCQ s'étonne que Québec ait prévu, dans son plus récent budget, récupérer 200 millions $ en 2010-2011 - et davantage au cours des années subséquentes - en combattant les PFA, puisque aucun projet de loi n'a encore été déposé.

De son côté, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain s'inquiète des conséquences d'un resserrement des règles sur les entreprises spécialisées dans la fiscalité, concentrées dans la métropole.