Le Québec a beau posséder l'une des meilleures politiques d'encouragement au monde en matière de biotechnologies, il reste encore du travail à faire pour développer l'esprit d'entrepreneuriat des chercheurs, a reconnu lundi le premier ministre Jean Charest.

«Il faut mieux organiser l'information que nous voulons diffuser aux chercheurs québécois», a-t-il déclaré en point de presse à Atlanta, où il participe au plus important congrès mondial de l'industrie, Bio 2009.

«Il existe beaucoup d'outils, il y a de nouveaux fonds qui seront mis en place, mais les chercheurs eux-mêmes n'ont pas suffisamment développé la culture de commercialiser leurs propres produits, a estimé M. Charest. Il faut aider les chercheurs, mieux les informer, leur fournir du soutien pour qu'ils puissent faire le lien entre leurs recherches et la commercialisation.»

La question du financement est évidemment un défi de taille, et c'était le cas bien avant la crise financière qui a éclaté l'automne dernier.

«Le capital de risque s'est éloigné du pur démarrage (d'entreprises technologiques) au cours des quatre dernières années», a convenu le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, qui accompagne Jean Charest dans la capitale de la Géorgie.

Même des investisseurs institutionnels comme la Caisse de dépôt et placement ou le Fonds de solidarité se sont montrés plus réticents face au secteur ces dernières années. Ce sont le plus souvent les petites biotechs qui ont écopé: les fonds de capital de risque ont préféré réinjecter des liquidités dans des entreprises avec lesquelles ils travaillaient déjà plutôt que se lancer dans l'inconnu.

Le gouvernement espère renverser la vapeur avec un train de mesures annoncées dans le dernier budget: la mise sur pied de Teralys, un fonds de capital de risque qui doit être doté, à terme, de 825 millions $, la création de trois fonds d'amorçage et le lancement d'un nouveau Régime d'épargne-actions (REA II).

«Cet automne, il devrait y avoir des émissions d'actions (dans le cadre du REA II), je connais quelques cas», a indiqué le ministre Bachand.

Jean Charest a dit suivre de près la vague de fusions-acquisitions qui frappe l'industrie pharmaceutique, mais il ne craint pas que le phénomène fasse trop de dommages au Québec, où sont présentes les dix plus importantes multinationales du secteur. Il faut dire que l'acquisition récente de Wyeth par Pfizer et l'achat d'Aventis par Sanofi, en 2004, n'ont pas eu, jusqu'ici, de répercussions néfastes au Québec.

«On les interpelle directement, a relevé M. Charest. (...) La feuille de route québécoise aide beaucoup. Les compagnies savent que l'intérêt que nous avons pour le secteur, il n'est pas passager. Ca fait partie de notre culture d'affaires que d'appuyer le secteur de l'innovation au niveau pharmaceutique.»

En entrevue, le président-directeur général d'Investissement Québec, Jacques Daoust, aussi présent à Atlanta, a admis qu'il fallait souvent se montrer combatif.

«On va se battre, on va essayer de gagner la bataille et donner l'outil gouvernemental à la filiale (d'une multinationale) pour qu'elle devienne le joueur dominant au Canada, a-t-il expliqué. (...) Il faut dire «je viens protéger mon territoire, voire l'agrandir.»

C'est avec cet objectif en tête que MM. Charest, Bachand et Daoust rencontraient en soirée les PDG de quelques-uns des grands joueurs de l'industrie pharmaceutique.

«Quand c'est le bureau du premier ministre qui téléphone et qui dit (à un dirigeant d'entreprise) «j'aimerais ça vous rencontrer', c'est gênant de dire non», a illustré M. Daoust.

Conseiller d'Obama

En plus de participer à une table ronde avec des dirigeants de biotechs québécoises, Jean Charest a rencontré lundi Sam Nunn, ancien sénateur démocrate de la Géorgie, qui a fait partie de l'équipe de transition du président Barack Obama.

«C'est important pour nous de nous brancher sur les penseurs américains, ceux qui ont l'oreille du nouveau gouvernement, a noté M. Charest. Ca nous donne souvent un indice de l'orientation future des politiques des Etats-Unis.»

Le premier ministre a confirmé qu'il préparait un voyage dans la capitale américaine pour rencontrer des officiels de la nouvelle administration, à l'image de celui qu'il avait effectué en 2005.

«Quand on fera la visite à Washington, ce sera sans doute parce qu'on voudra livrer des messages très spécifiques, a-t-il souligné. Au niveau de l'énergie (hydroélectrique), par exemple, on a des choses à dire. On a des choses formidables à offrir aux Américains.»

Le chanteur britannique Elton John doit prononcer mardi le discours principal de Bio 2009, au sujet du VIH-sida. Howard Dean, ancien président du Parti démocrate, ainsi que deux autres personnages politiques américains d'importance, Karl Rove et Tom Daschle, doivent aussi prendre la parole pendant le congrès.