La Caisse de dépôt et placement du Québec blâme les normes comptables pour expliquer une partie de ses mauvais rendements. En particulier, l'institution s'en prend à la règle d'évaluation des placements à la juste valeur («mark-to-market»), un concept critiqué en ces temps de crise.

Dans le rapport annuel rendu public hier, l'ex-président Fernand Perreault rappelle que la Caisse est assujettie à des normes qui l'obligent à évaluer ses placements comme s'ils étaient mis en vente le 31 décembre - date de fin d'exercice - même dans un contexte de crise.

 

Les placements privés et les immeubles, par exemple, sont assujettis à de telles normes, même s'ils sont conservés à long terme.

«Nous aurions un tout autre portrait s'il avait été possible d'évaluer ces placements en fonction de leur horizon de détention», écrit M. Perreault, qui était PDG par intérim jusqu'à tout récemment, avant la nomination de Michael Sabia.

En 2008, la Caisse a présenté un rendement de -25%, ce qui équivaut à une perte de 39,8 milliards. Son rendement est de 6,6 points de pourcentage plus faible que ses indices de référence, ce qui situe la Caisse dans le dernier quartile des grandes caisses de retraite canadienne.

Selon M. Perreault, 56% des pertes de 39,8 milliards sont des moins-values non matérialisées (pertes sur papier), soit 22,4 milliards.

Débat

Le débat sur l'évaluation à la juste valeur (mark-to-market) a fait rage aux États-Unis ces derniers mois en raison de son impact sur les résultats. Au début avril, le Conseil financier des normes comptables (FASB) y a changé les règles, ce qui a permis aux banques américaines, par la suite, de présenter de meilleurs résultats.

Au Canada, le débat n'est pas terminé et à l'international, il n'est pas clair que l'International Accountant Standing Board (IASB) suive la parade. Rappelons que ce sont les normes de l'IASB qui s'appliqueront au Canada à partir de 2011.

Dans son rapport, la Caisse consacre deux pages à cette question des normes comptables. Selon les règles en vigueur au Canada, la Caisse est considérée comme une société de placement et non une caisse de retraite, comme Teachers' ou Omers, par exemple. À ce titre, elle ne peut pas classer certaines catégories d'actif comme étant détenues jusqu'à l'échéance «comme ont pu le faire d'autres institutions financières», écrit la Caisse.

Les placements dans l'immobilier et les infrastructures ont donc dû été évalués à leur juste valeur marchande au 31 décembre. Comme le marché était inactif en cette période de crise, les règles exigent qu'on utilise une méthode qui prend en compte les entrées de fonds futures ramenées en valeurs actuelles en fonction des taux d'intérêt (actualisation des flux monétaires), explique la Caisse. Or, l'écart de taux d'intérêt ayant bondi avec la crise, la valeur actuelle a fondu.

Pour cette raison, les placements dans l'immobilier ou dans les infrastructures ont perdu 21,9% et 44,7%, respectivement, même si ces actifs produisent en 2008 des revenus similaires à ceux de 2007.

Scénarios extrêmes

Par ailleurs, Fernand Perreault indique que la crise du papier commercial PCAA et la crise financière de 2008 ont forcé l'organisation à revoir la gestion des risques face aux scénarios extrêmes.

En novembre 2008, la Caisse a lancé un ensemble de travaux de réflexion, dit M. Perreault. Au menu: la couverture de change, la gestion des liquidités, le recours au levier financier et la fixation des objectifs de rendements. Les recommandations issues de ces travaux seront mises en oeuvre en 2009.

Concernant le PCAA, rappelle l'ex-PDG, il a obligé la Caisse à adopter une politique qui exige que deux agences de notation évaluent tout instrument financier. Dans le cas du PCAA, une seule agence (DBRS) avait accordé une cote à ce produit.