Patate chaude évacuée du débat public dès le lendemain du dévoilement du rapport Pronovost, la question du monopole syndical de l'Union des producteurs agricoles (UPA) menace d'échauffer de nouveau les esprits.

Benoît Girouard, porte-parole de l'Union paysanne, affirme que le cessez-le-feu observé par son organisation depuis la publication du rapport Pronovost, il y a un an jour pour jour, est menacé par une promesse électorale de Jean Charest. Le premier ministre s'est engagé auprès de l'UPA à former un comité bipartite composé de représentants du gouvernement et du grand syndicat agricole afin de conclure la réforme du programme d'assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA), géré par la Financière agricole du Québec.

«Ça sent la fin de la paix et de l'équilibre», annonce M. Girouard, qui y voit un «retour au bipartisme» qui a longtemps caractérisé les discussions dans le milieu agricole québécois. «Dans une société démocratique, ça n'a plus sa place», insiste le jeune éleveur de lapins des Laurentides, qui voudrait faire de l'Union paysanne un syndicat en bonne et due forme.

Jusqu'à maintenant, Michel R. St-Pierre, secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif chargé de la révision des programmes de sécurité du revenu, a choisi de consulter tous azimuts. Cela, dans le but de recueillir «un maximum d'informations et d'opinions» qui ne seraient pas teintées politiquement. Un choix qu'il assume entièrement, même s'il a provoqué la colère des dirigeants syndicaux.

Jean Pronovost, qui était président de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, estime que tous les diagnostics et toutes les recommandations exposés dans le rapport portant son nom sont encore d'actualité. Ainsi en est-il de la nécessité de briser le monopole de représentation de l'UPA. «On y croit toujours. On pense que ça serait sain pour tout le monde s'il y avait plus de discussions publiques sur l'agriculture», a-t-il répété lors d'une entrevue au Soleil.

Celui-ci estime que la structure de l'UPA étouffe toute contestation. Des échanges ont lieu avant que les décisions ne se prennent, mais une fois qu'elles sont prises, les membres serrent les rangs et la loi du silence prévaut, explique-t-il. «On appelle les citoyens à cotiser pour maintenir une agriculture québécoise. En contrepartie, les Québécois doivent être conscients de ce qui se passe et être informés davantage», insiste M. Pronovost.

L'ancien haut fonctionnaire déplore l'enterrement de première réservé à sa recommandation d'assouplir la Loi sur la mise en marché collective afin de favoriser le développement de produits alimentaires qui sortent de l'ordinaire et les ententes particulières entre des petits groupes de producteurs et des transformateurs. «L'UPA ne veut pas bouger», conclut M. Pronovost.

Plutôt que de proposer des ouvertures, le syndicat agricole a en effet convaincu le ministre de l'Agriculture que le mécanisme de négociation était souple et efficace. «Dire que tout va bien, c'est une forme de refus de négocier, c'est se complaire dans le statu quo», insiste M. Pronovost. Celui-ci est toutefois ravi de constater que des chantiers de travail sur la protection du territoire agricole et les circuits courts de commercialisation doivent aboutir au printemps. Des sommes ont déjà été engagées pour la relève et la promotion des produits alimentaires québécois. Des projets pilotes de développement de la zone agricole ont aussi été lancés.

Christian Lacasse, producteur laitier de Saint-Vallier de Bellechasse et président de l'UPA, est imperméable aux critiques sur le monopole de son organisation et défend le comité bipartite dont il attend toujours la création. «Ceux qui mettent de l'argent là-dedans (les programmes de soutien du revenu agricole), c'est le gouvernement et les producteurs agricoles, qui sont représentés par l'UPA. C'est normal que ce soit eux qui décident», plaide-t-il.

M. Lacasse s'étonne plutôt de voir que la convention de la Financière agricole viendra à échéance au 31 mars et que son avenir n'est pas arrêté. Il affirme que les producteurs agricoles vivent beaucoup d'insécurité, car ils n'ont aucune idée de l'aide qui leur sera versée pendant la prochaine année.

Le suivi général du rapport Pronovost le laisse d'ailleurs sceptique. «On devait miser sur ça pour sortir les secteurs en difficulté de la misère, mais il n'y a rien qui se passe», dit-il.