Le gouvernement du Québec est résolu à endiguer le phénomène des échappatoires utilisées par certaines entreprises pour éviter de payer leur juste part d'impôts.

Vendredi, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a lancé une consultation publique sur ce qu'on appelle dans le jargon les «planifications fiscales agressives». Un livre vert de 132 pages sert de toile de fond à la consultation publique. Des mémoires doivent être déposés à ce sujet avant le 1er mars. Le processus débouchera sur une nouvelle réglementation. Une «planification fiscale agressive» (PFA) est décrite comme une opération fiscale complexe qui permet d'éviter le paiement de l'impôt en respectant la lettre mais non l'esprit de la loi.

 

En comparaison, l'évasion fiscale n'en respecte ni la lettre ni l'esprit. Bien souvent, une PFA n'a aucune justification financière, si ce n'est l'évitement de l'impôt.

Le cas «Truffles»

Au Québec, le cas de PFA le plus connu est celui mis au jour en mai 2006, appelé «Truffles». En créant une fiducie à l'extérieur du Québec pour une partie de leurs activités, des entreprises ont pu éviter le paiement d'un demi-milliard de dollars d'impôts provinciaux, dont la moitié était due au Québec.

Parmi les entreprises alors en cause, mentionnons Reitmans, Van Houtte, Saputo, Alimentation Couche-Tard et Transcontinental. Le gouvernement du Québec a découvert le pot aux roses et exigé d'être remboursé.

Le ministère des Finances du Québec estime à quelque 500 millions de dollars les sommes qu'il a réussi à récupérer depuis 2001 en déjouant les PFA. Les nombreux cas découverts incitent toutefois le Ministère à proposer des mesures coercitives pour fermer la porte à ces stratagèmes fiscaux.

Questions d'équité

«Les PFA soulèvent de sérieuses questions d'équité entre les contribuables, a déclaré la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget. Les revenus qui échappent au fisc en raison des PFA doivent tôt ou tard être perçus par l'État auprès des autres contribuables québécois, ce qui contrevient au principe bien établi selon lequel chacun doit payer sa juste part des impôts.»

Dans le document de consultation, le Ministère propose diverses actions pour contrer les PFA, inspirées de ce qui se fait aux États-Unis et dans divers pays de l'OCDE.

D'abord, le Ministère envisage d'obliger les contribuables, en particulier les entreprises, à divulguer toute opération confidentielle procurant un avantage fiscal pour laquelle les services d'un conseiller ou d'un fiscaliste ont été retenus.

L'obligation de divulgation viserait également, entre autres, les opérations dans lesquelles la rémunération du conseiller est conditionnelle à l'obtention d'un avantage fiscal.

Pénalités de 100 000$

La divulgation devrait être obligatoirement faite dans les 30 jours suivant le début de l'opération, sans quoi le contribuable s'exposerait à une pénalité minimale de 10 000$ et maximale de 100 000$.

Québec allongerait également de trois ans le délai de prescription pour un nouvel avis de cotisation réalisée par le fisc dans le cadre de la règle générale anti-évitement (RGAE). Actuellement, le délai pour ce nouvel avis est généralement de trois ou quatre ans.

Enfin, à ceux qui tentent d'éviter indûment de payer de l'impôt, le fisc a l'intention d'imposer une pénalité égale à 25% de l'impôt évité.

Ce taux correspond à la moitié de la pénalité imposée en cas d'évasion fiscale ou de fraude. Une pénalité de 12,5% est également envisagée pour les fiscalistes qui font la promotion du stratagème.

Phénomène international

L'utilisation de PFA n'est pas propre au Québec. Il s'agit d'un phénomène international qui s'est accentué avec la mondialisation du commerce.

En septembre 2006, les membres du Forum sur l'administration fiscale de l'OCDE ont désigné le respect des lois fiscales comme l'un des principaux défis des administrations fiscales.