Un aigle, du lait glamour, un mariage québécois princier et une marque qui s'envole jusque dans la stratosphère... Voici une autre année marquée par de bons coups marketing et des faux pas par les entreprises d'ici et d'ailleurs.

LES TOPS

Red Bull dans la stratosphère

«Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour le marketing», a-t-on pu lire sur les réseaux sociaux au lendemain du saut stratosphérique de Felix Baumgartner. Il n'y a en effet pas meilleur coup marketing, cette année! Alors que le risque d'échec était très élevé, que l'entreprise aurait pu être funeste, Red Bull (qui consacre 15% de ses revenus aux sports extrêmes) s'est associé au parachutiste autrichien dans son projet de saut en chute libre à 39 000 mètres de la Terre, le 12 octobre dernier. Baumgartner a franchi le mur du son en même temps que Red Bull marquait un record de visibilité. Le ballon dans lequel prenait place Baumgartner était marqué du logo Red Bull, tout comme la combinaison de l'athlète, un hélicoptère et le site internet où on a pu suivre en direct le saut de 4 minutes. La vidéo récapitulative a aussi été vue plus de 31 millions de fois. La mission ne pouvait coller plus parfaitement au slogan de la marque: Red Bull donne des ailes.



L'aigle du mont Royal


Une vidéo montréalaise qui obtient plus de 25 millions de visionnements en trois jours, c'est un phénomène! Le Centre national d'animation et de design (Centre NAD) de Montréal a bénéficié d'une notoriété inattendue à la veille de Noël lorsqu'un travail étudiant est devenu viral en moins de temps qu'il n'en faut pour crier joyeuses Fêtes! Au lendemain du dépôt du clip sur YouTube, le site du Centre NAD a reçu 80 000 visites. La vidéo paraît si réaliste que de nombreuses personnes, et des médias, ont considéré le canular comme un événement réel. En plus de récolter une note de 100%, ce travail étudiant favorisera l'amélioration des candidatures du programme du bac en plus de renflouer les fonds de la bourse du Centre NAD, car le centre a rapidement décidé de s'inscrire au programme de partage de revenus de Google pour YouTube. Paraîtrait que le chanteur sud-coréen PSY (Gangnam Style) est jaloux...

Le mariage Elle Québec-Véronique Cloutier

Contre toute attente, cette année, c'est Elle Québec et non un magazine tel La Semaine, qui a publié exclusivement des reportages et photos du mariage de l'animatrice-vedette Véronique Cloutier et de l'auteur-comédien Louis Morissette, cet été. Plus de 108 000 exemplaires du magazine ont été vendus, soit sept fois plus que normalement: un record des dix dernières années pour le mensuel mode de TC Media. Le jour de la publication des photos, le site internet de Elle Québec a été visité 450 000 fois. Dans une industrie, celle des magazines, où le lectorat et le tirage de plusieurs publications sont en baisse, il est impératif d'avoir des couvertures accrocheuses. Petit bémol: l'opération étant confidentielle, l'éditeur n'a pu augmenter considérablement ses revenus publicitaires pour ce numéro à conserver. Mais celui-ci, à qui Véro a dit oui, est aussi heureux que la mariée!

Une pensée pour les Canadiens

Encore cette année, l'Église catholique de Montréal a réussi un bon coup publicitaire, un an après l'affiche «Faites votre prière» placée près du pont Champlain. Au printemps dernier, alors que les amateurs de hockey espéraient que les Canadiens de Montréal obtiennent une place pour les séries, l'agence de pub DentsuBos a glissé un «Prions» à la huitième place d'un classement de la LNH. Grâce à cette brillante idée, l'Église catholique a réussi à se positionner comme organisme à la page et qui sait réagir rapidement face à des événements de l'actualité, à une époque où on croit moins et où on sent l'institution sclérosée. Comme le résume un vice-président création de l'agence DentSuBos: «Ça (faisait) quand même un certain temps qu'on (essayait) de concilier les deux plus grandes religions du Québec».

Union sans bon sang

En juin dernier, Héma-Québec et son agence de publicité lg2 ont marqué un bon coup en unissant, dans une campagne, deux personnalités que le paysage médiatique québécois sépare: Julie Snyder et Guy A. Lepage. L'organisme dessine, avec une seule image forte, l'importance de donner du sang grâce à ces deux icônes de TVA et Radio-Canada qu'on n'imagine pas avancer professionnellement main dans la main. Couplée à une pub radio humoristique, dans laquelle les deux animateurs sont complices, et à un slogan fort (Unis pour la vie), la campagne apporte du sang neuf (oui, le beau jeu de mots!) à une cause qu'on tient trop souvent pour acquise. Et, du même coup, elle montre - même si c'est une évidence - que la santé et l'entraide passent bien avant les guerres de réseaux pour le duo Snyder-Lepage.

LES FLOPS

Allaiter, c'est (pas) glamour

L'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a créé un tsunami de commentaires négatifs, en octobre, avec sa campagne Allaiter, c'est glamour avec Mahée Paiement. De nombreuses mères ont soulevé le manque de finesse du concept (affiche, vidéo et slogan) qui présente une comédienne qui n'attire pas la sympathie des mamans épuisées qui passent le plus clair leur journée dans des vêtements mous. Manque de jugement? Vidéo coquine pour faire jaser? En tout cas, tout le monde en a parlé, jusqu'à l'émission Tout le monde en parle où Mahée Paiement s'est justifiée. Si au moins la photo ne ressemblait pas à une autre d'Annie Leibovitz, prise en 1999 avec l'ex-mannequin Jerry Hall! Un plagiat? Mahée Paiement a dit qu'elle avait vu la photo de 1990 après la sortie de sa pub. L'Agence de la santé peut au moins se targuer d'avoir mis au monde un slogan qui restera dans les annales... pour le meilleur et pour le pire.

Quand un «dépeceur» boit de la bière

En voyant, en mai dernier, une photo de Rocco Luka Magnotta dans le journal The Gazette avec une bière Labatt Bleue, le brasseur a rapidement sommé le quotidien de faire disparaître l'image de son site internet, sous peine de poursuites. Mais en agissant de la sorte, Labatt a non seulement attiré les regards sur ce que buvait le «dépeceur» présumé, mais un lot de commentaires défavorables à l'endroit de l'entreprise sur Twitter. Cette demande a laissé supposer que le brasseur prenait sa clientèle pour des buveurs qui ne pensent qu'au premier degré... alors que bien des gens n'avaient même pas remarqué la marque sur la bouteille! Mais la palme marketing dans ce sordide meurtre revient à la firme de relations publiques Fleishman-Hillard Communications qui, dans un communiqué, s'est servie de «l'affaire Magnotta» pour rappeler à sa clientèle la nécessité de vérifier les antécédents judiciaires de locataires pour son client BackCheck de Vancouver. Titre du communiqué: «Corps décapités et propriétaires descendus: des rappels de l'utilité de vérifier l'historique de ses locataires». Le texte? «Le propriétaire de Magnotta avait uniquement vérifié son historique de crédit, qui ne révélait pas que Magnotta avait été condamné pour fraude à quatre reprises en Ontario, avait été emprisonné pendant 16 jours...» On précise que Fleishman-Hillard s'est rapidement excusé, même si cette affaire se passe de commentaires...

IKEA revoit la cellule familiale

La femme ne serait pas l'égale de l'homme dans certaines éditions du catalogue IKEA! Du moins pas en Arabie saoudite, où l'entreprise suédoise de meubles compte trois magasins. C'est que, cet automne, elle a décidé de retirer les femmes des photos de son célèbre catalogue. Il a fallu que la nouvelle, avec photos comparatives, sorte dans les médias suédois et que des ministres réprimandent publiquement l'entreprise («Ça ne va pas du tout!», «Carrément moyenâgeux!»), pour qu'IKEA s'excuse dans un communiqué, après avoir d'abord soutenu qu'il fallait s'adapter à chaque marché: «Nous aurions dû réagir et réaliser qu'exclure les femmes de la version saoudienne du catalogue entrait en conflit avec les valeurs du groupe IKEA». Une idée aussi mal structurée que certains de ses plans de montage d'étagères!

Oasis dans le jus

En avril dernier, David a en quelque sorte gagné contre Goliath! Quand les démarches, entamées en 2005, de Lassonde contre la PME Olivia's Oasis qui usurpait son nom selon l'entreprise québécoise de jus sont devenues publiques, l'image de marque de Lassonde a en a pris pour son rhume. Des centaines de consommateurs ne se sont pas gênés pour faire part sur les réseaux sociaux de l'indélicatesse de l'entreprise. Au coeur de l'affaire, la page Facebook de Lassonde a reçu un commentaire négatif et/ou appel au boycottage à la minute. Le président a fini par faire savoir publiquement qu'il avait rencontré un dimanche la présidente d'Olivia's Oasis, qui a été traînée en cour, et qu'ils étaient arrivés notamment à un accord financier. Si l'affaire semble aujourd'hui oubliée, elle a démontré toute la force des réseaux sociaux tant comme levier que comme boulet pour les marques.

Le drôle de numéro de Brad Pitt!

Quelle bonne idée au départ: engager un homme pour annoncer le parfum Chanel no 5. Et on n'a pas choisi le moins apprécié de ces dames: l'acteur Brad Pitt. Malheureusement, la marque qui nous a habitués à des pubs à grand déploiement avec excès de draperies, draps satinés et longues robes qui volent au vent a osé le minimalisme pour cette première pub masculine, réalisée par Joe Wright... et a échoué avec son décor gris, un texte pompeux à souhait, qui plus est, mal rendu par un acteur de renom. On aurait déboursé 7 millions de dollars pour cette pub qui a déclenché les passions, suscité bien des commentaires négatifs, mais surtout plusieurs parodies... qui reprennent souvent mot pour mot la poésie débitée par Pitt. Consolation: il n'y a que l'image de la marque qui a momentanément été affectée, pas son portefeuille, car Chanel no 5 se vend toujours aussi bien. Eh! ben...