La Maison-Blanche a consenti hier soir à prolonger jusqu'au 1er juin la période d'exemption provisoire des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium du Canada, du Mexique et de l'Union européenne (UE), évitant une escalade dans le conflit commercial.

Le président américain Donald Trump a promulgué le 8 mars des tarifs de 25 % sur les importations d'acier et de 10 % sur celles d'aluminium tout en exemptant immédiatement le Canada et le Mexique. Fin mars, il a en outre exempté provisoirement l'UE.

Mais cette exemption temporaire initiale courait jusqu'au 1er mai.

Dans le cas d'Ottawa et de Mexico, le président américain a par ailleurs lié une éventuelle exemption définitive à la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (ALENA).

L'INFLUENCE DE CENTURY ALUMINUM

La menace de l'imposition d'un tarif sur l'aluminium aux États-Unis pèse déjà sur les marchés, départageant les gagnants des perdants des politiques de l'administration Trump.

Hier, l'action d'Arconic, transformateur issu du géant Alcoa, a reculé de plus de 20 %.

Pendant ce temps, l'action de Century Aluminum, une filiale de Glencore, se maintenait.

Century Aluminum est l'un des plus enthousiastes partisans du protectionnisme américain dans le secteur.

Au cours des dernières semaines, l'entreprise a annoncé un investissement de 100 millions US et l'embauche de 300 travailleurs dans la foulée de l'annonce des tarifs par l'administration Trump.

Mais Century fait figure d'exception.

De son côté, l'Association américaine de l'aluminium (AAA) presse l'administration Trump de suspendre indéfiniment les tarifs annoncés contre le Canada et les autres pays qui fonctionnent sous une économie de marché et de concentrer ses efforts contre la Chine.

L'association rappelle dans tous ses communiqués que 97 % des emplois du secteur de l'aluminium sont dans la transformation. Toute hausse du prix de la matière première nuit à sa compétitivité.

Century Aluminum n'est pas membre de l'AAA, contrairement à Alcoa, par exemple.

« Le portrait est simple, dit Matt Meenan, porte-parole de l'AAA. L'an dernier, les États-Unis ont produit environ 1 million de tonnes d'aluminium. Même si on redémarrait toute la production récemment suspendue, on pourrait peut-être atteindre les 2 millions de tonnes. Et on en consomme de 5 à 6 millions de tonnes. C'est un marché en croissance et on a besoin des importations. »

MARCHÉ DE SURCHAUFFE

L'imposition de tarifs - et les sanctions contre la Russie et son producteur Rusal - survient dans un marché en surchauffe.

La demande d'aluminium a battu des records en 2017 aux États-Unis. La demande combinée au Canada et aux États-Unis est en hausse de 40 % depuis 2009.

Ces mêmes années, la Chine a doublé la capacité de ses alumineries. Le ralentissement de la croissance de son économie a produit des surplus qui engorgent le marché mondial.

Les alumineries américaines, parmi les plus vétustes de la planète, et moins bien pourvues en contrats d'approvisionnement électrique, ont été les premières à pâtir : 70 % de leur capacité a été retranchée.

Century Aluminum est donc une survivante qui a adopté le même discours protectionniste que Peter Navarro, l'un des conseillers de Donald Trump en matière de commerce.

L'entreprise n'a pas répondu hier à une demande d'entrevue de La Presse.

« Ça fait au moins deux ans qu'ils font campagne, y compris avec de la propagande sur YouTube, dit Jean Simard, de l'Association de l'aluminium du Canada. C'est un peu la honte de l'industrie. »

Comme tout le monde hier, M. Simard attendait la suite du dossier côté américain. Ces dernières semaines, le prix de l'aluminium a connu une forte hausse avec la perspective de la perte des 600 000 tonnes annuelles importées de Russie, mais il est retombé avec le report des sanctions.

« Les Américains vont payer leur aluminium plus cher que n'importe où ailleurs, et les transformateurs ne seront plus compétitifs, dit-il. Derrière ça, il y a des entreprises qui veulent faire augmenter la valeur de leurs actions. Ils s'en fichent que ça fasse augmenter le coût des produits. »

- Avec l'Agence France-Presse

infographie la presse

infographie la presse