La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi de poursuivre le cours de sa politique monétaire très interventionniste, comme attendu, et les observateurs guettent désormais toute inflexion du discours laissant présager d'un changement de cap.

Le conseil des gouverneurs, l'instance dirigeante de la BCE composée de six directeurs et des 19 présidents des banques centrales de la zone euro, n'a touché ni à ses taux directeurs, à leur plus bas niveau historique depuis mars 2016, ni à son vaste programme de rachats de dettes, le «QE», lancé en mars 2015, a annoncé un porte-parole.

L'attention est désormais focalisée sur le président de l'institution, Mario Draghi, qui s'exprimera à partir de 12h30 GMT (8h30 à Montréal) dans le cadre de sa conférence de presse régulière.

Durant cette intervention, M. Draghi «devrait certainement souligner que les risques ont diminué en zone euro, peut-être en modifiant le langage dans le document introductif sur la balance des risques surplombant le scénario macroéconomique», explique Alan Lemangnen, économiste chez Natixis.

Ces dernières semaines, Mario Draghi et l'économiste en chef de la BCE, Peter Praet, ont encore insisté sur les menaces pesant sur l'économie de la zone euro, avec en toile de fond des craintes de repli protectionniste aux États-Unis, le Brexit et la montée des mouvements populistes en Europe.

Plus optimiste, Benoît Coeuré, membre du directoire de l'institution, a jugé les risques «largement équilibrés» et évoqué la perspective prochaine d'une normalisation de la politique monétaire de la BCE.

Pas de gages aux «faucons»

Mario Draghi devrait éviter de donner des gages aux «faucons» adeptes d'une politique monétaire plus stricte, en rappelant que les conditions en vue d'un retour durable de l'inflation au niveau désiré ne sont pas encore réunies.

Dans le cadre du QE, l'institution acquiert depuis début avril pour 60 milliards d'euros de dettes - principalement publiques - chaque mois, contre 80 milliards auparavant. Depuis qu'elle a démarré ce dispositif en 2015, la Banque centrale a acquis pour près de 1500 milliards d'euros d'obligations d'État et pour un peu plus de 80 milliards d'obligations du secteur privé, en espérant que ces liquidités injectées dans le marché parviendront à irriguer la reprise économique.

La BCE a par ailleurs promis de garder ses instruments traditionnels, les taux, à leur très bas niveau pendant encore longtemps et elle n'envisage pas de les modifier avant la fin du programme d'achats de dettes.

De plus en plus d'observateurs, principalement en Allemagne, s'inquiètent toutefois des risques à long terme de cette politique et appellent l'institution monétaire à réduire la voilure, d'autant plus que les prix sont repartis en nette hausse ces derniers mois.

En mars, l'inflation en zone euro a toutefois reflué à 1,5% par rapport au score de 2% affiché un mois auparavant, lequel était conforme à l'objectif de la BCE à moyen terme d'une progression des prix à la consommation légèrement inférieure à 2%.

Jusqu'au mois de février, le rebond observé dans la hausse des prix était lié pour l'essentiel aux prix de l'énergie, qui avaient chuté en 2015 sur fond d'effondrement des cours du pétrole, et de l'alimentation, par nature très volatils. Or, cet effet s'est largement estompé depuis, notent les économistes.

Et corrigée de ces deux composantes, l'inflation dite sous-jacente n'a progressé qu'à un rythme modeste de 0,9% en février, et s'est même tassée à 0,7% un mois plus tard.

Changement de communication ?

Récemment, lors de la réunion de printemps du FMI à Washington, Mario Draghi a répété que la BCE était prête à alourdir à nouveau ses achats de dettes «si l'horizon devait se dégrader, ou si les conditions financières devaient empêcher l'avancée vers un rythme soutenu de l'inflation». Somme toute, le soutien de la BCE «est toujours requis».

Certains membres du conseil, notamment le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, plaident pour qu'à défaut de réviser sa politique, l'institution monétaire adapte rapidement sa communication face aux derniers développements de l'inflation et à l'embellie économique à l'oeuvre en zone euro.

Les experts attendent beaucoup de la réunion du mois de juin où une nette inflexion du discours de la BCE pourrait surgir sur la base des nouvelles prévisions d'inflation et de croissance pour la zone euro.

Enfin, probablement en septembre, le temps sera venu d'annoncer un nouveau calibrage du programme d'achat d'actifs après son terme prévu fin 2017, ou au-delà si nécessaire, avance Natixis dans une étude.