L'apocalypse promise n'était pas au rendez-vous: l'économie du Royaume-Uni résiste mieux que prévu depuis la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne et déjoue les pronostics qui lui promettaient une plongée rapide dans la récession.

Mais l'activité risque de connaître un sérieux coup de bambou l'an prochain et ralentir de façon importante jusqu'à la sortie effective du bloc européen. Et après ? Personne ne sait.

Où en est l'économie britannique ?

Le choc a été rude mais de courte durée dans un premier temps. La livre a dégringolé mais s'est stabilisée depuis, la Bourse de Londres est à un niveau bien supérieur à celui du 23 juin et le marché immobilier tient le choc. L'activité privée a connu un brutal coup de frein en juillet mais s'est mieux portée en août, l'inflation se stabilisant et les ventes au détail résistant bien.

Ces données meilleures qu'attendu ont poussé plusieurs institutions à rehausser leurs prévisions. La banque américaine Morgan Stanley, qui prévoyait une contraction de 0,4% du produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre, table désormais sur une progression de 0,3%. Sa concurrente Credit Suisse, qui attendait une récession au second semestre, estime maintenant que le pays devrait y échapper.

Pourquoi jusqu'ici ça tient le choc ?

En bonne part car les ménages continuent de dépenser. Chaleur estivale propice aux barbecues, moral dopé par les performances des Britanniques aux JO, dévaluation de la livre favorable à la prodigalité des touristes étrangers: les consommateurs prennent plaisir à ne voir que la pinte de bière à moitié pleine.

On aurait du mal à leur donner tort, car «rien ne s'est vraiment passé» sur le plan économique depuis le référendum, explique à l'AFP Scott Corfe, directeur du Centre for Economics and Business Research (Cebr). «Le Royaume-Uni commerce toujours librement avec l'UE, donc il n'y a pas d'impact négatif sur les exportations, et les consommateurs bénéficient encore d'une inflation et d'un chômage bas», ajoute l'économiste.

N'oublions pas aussi que le choix de quitter l'Union européenne a été souhaité par la majorité des Britanniques eux-mêmes. Contrairement aux milieux d'affaires inquiets, ces électeurs n'ont pas de raison d'être effrayés par un Brexit qu'ils ont souhaité. Après la démission rapide du premier ministre David Cameron, la situation politique s'est en outre stabilisée avec l'arrivée de sa successeur Theresa May, un facteur plaidant pour le «business as usual».

La Banque d'Angleterre s'est enfin démenée pour rassurer depuis le 23 juin et assouplir sa politique monétaire. Le ministre des Finances pourrait aussi annoncer des mesures de soutien à l'économie dans un budget rectificatif le 23 novembre.

Donc, tout va très bien Madame la Reine ?

Loin de là. Même si le Royaume-Uni devrait pouvoir échapper à la récession pour l'instant, sa croissance est clairement ralentie. De l'avis quasi général, la hausse du PIB au troisième trimestre devrait être inférieure à celle du deuxième trimestre (0,6%).

Mais au-delà, l'année 2017 inquiète. Selon un rapport de l'agence de notation SP Global Ratings, la croissance va ralentir à cause d'un déficit d'investissement et l'espoir soulevé par les récentes données risque de n'être qu'un «mirage». Les entreprises, a fortiori étrangères, devraient en effet rechigner à dépenser tant qu'elles ne connaîtront pas l'environnement légal ni les relations commerciales du Royaume-Uni post-Brexit.

Cette incertitude dommageable risque de se prolonger si Londres continue de traîner pour actionner l'article 50 qui déclencherait les négociations de sortie - qui pourraient durer deux ans.

Un effet négatif de la dévaluation de la livre risque de surcroît de se faire sentir: en renchérissant le coût des denrées importées, elle va compresser le pouvoir d'achat des ménages. Ce dernier pourrait souffrir en outre d'une hausse du taux de chômage, qui pourrait passer de 4,9% actuellement à 5,5% l'an prochain puis à près de 6% en 2018, d'après une synthèse établie par le Trésor.

Et après le Brexit ?

Là, c'est le flou quasi total car personne ne connaît la teneur du futur accord entre Londres et Bruxelles dont les scénarios sont multiples, d'un divorce conflictuel à une séparation à l'amiable, voire à un maintien en concubinage moyennant des aménagements. Une fois ces conditions fixées, et seulement alors, les économistes pourront prévoir leur impact sur l'économie britannique... quitte à se tromper une nouvelle fois.