La patronne du FMI Christine Lagarde a été renvoyée jeudi en procès en France pour négligence dans la gestion de l'arbitrage Tapie, une perspective embarrassante pour l'ancienne ministre de l'Économie à qui l'institution internationale a renouvelé sa confiance.

Cette décision, contre laquelle Christine Lagarde a immédiatement annoncé un recours devant la Cour de cassation, intervient alors que son premier mandat à la tête du Fonds monétaire international (FMI) se termine le 30 juin 2016.

En juin 2015, elle expliquait qu'elle pourrait considérer un second mandat à la tête de l'institution, si ses membres le «souhaitent», dans un entretien au magazine Challenges.

Peu après l'annonce de ce renvoi en procès devant la Cour de justice de la République (CJR), seule instance habilitée à juger les délits commis par des membres d'un gouvernement en fonction, le FMI a affirmé qu'il continuait à apporter «sa confiance» à sa directrice générale.

Dans la foulée, le ministre français des Finances, Michel Sapin, a affirmé depuis New York que Christine Lagarde était «présumée innocente» et qu'elle pouvait rester à son poste.

 «Simulacre» d'arbitrage

Sept ans après, c'est l'arbitrage rendu en 2008 par un tribunal privé, accordant plus de 400 millions d'euros (604 millions CAN) à l'homme d'affaires Bernard Tapie pour clore son litige avec le Crédit Lyonnais sur la vente d'Adidas en 1994, qui vient rattraper l'ancienne ministre de l'Économie de Nicolas Sarkozy.

Cette sentence arbitrale a été annulée en début d'année 2015, la justice estimant qu'elle était entachée de fraude. Et le 3 décembre, la Cour d'appel de Paris a condamné Bernard Tapie à rembourser les 404 millions d'euros.

Le choix de tourner le dos à la justice ordinaire et de recourir à cet arbitrage pour résoudre une affaire mettant en jeu des deniers publics avait été vivement contestée à l'époque.

Christine Lagarde avait donné des instructions aux représentants de l'État au sein des structures gérant l'héritage de l'ancienne banque publique pour aller à l'arbitrage et pour ne pas contester la sentence rendue en juillet 2008.

Dans un communiqué publié jeudi, elle réaffirme qu'elle «a toujours agi dans cette affaire dans l'intérêt de l'État et dans le respect de la loi» et «considère (...) qu'il n'existe aucune charge qui puisse lui être imputée». Elle rappelle aussi que le ministère public au sein de la CJR avait pris des réquisitions de non-lieu en septembre, un an après sa mise en examen.

La commission d'instruction de la CJR en a décidé autrement et l'a renvoyée devant la formation de jugement, composée de quinze juges, dont douze parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le délit de négligence dans la gestion de fonds publics est puni d'un an de prison et 15 000 euros d'amende.

Dans le volet non ministériel de l'affaire, les juges d'instruction ont mis en examen Bernard Tapie et cinq autres protagonistes du dossier pour escroquerie en bande organisée. L'ancien secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, a lui été placé sous le statut de témoin assisté.

Les juges soupçonnent la sentence, rendue par trois juges arbitres, d'avoir été le fruit d'un «simulacre» d'arbitrage. Ils visent notamment les liens anciens et dissimulés aux parties entre l'homme d'affaires et l'un des juges arbitres, Pierre Estoup, également mis en examen.