Les multinationales qui multiplient les stratagèmes pour minimiser leur taux d'imposition seront bientôt soumises à une série de mesures qui leur compliqueront sensiblement la tâche.

Telle est du moins la promesse de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a divulgué hier les grandes lignes d'un plan en 15 points visant à empêcher ces firmes de faire «disparaître» leurs bénéfices imposables dans des paradis fiscaux.

Son secrétaire général, Angel Gurria, a indiqué par voie de communiqué que le plan en question, soutenu par une soixantaine de pays, représentait «la plus importante réforme des règles fiscales internationales depuis près d'un siècle».

L'OCDE avait reçu en 2013 le mandat d'élaborer une stratégie pour contrer les méthodes «d'optimisation fiscale agressive» de multinationales, qui priveraient les États de revenus annuels globaux oscillant entre 130 et 315 milliards de dollars.

Transfert entre filiales

Le nouveau plan vise notamment à empêcher que ces entreprises, en utilisant le mécanisme des paiements de transfert, réussissent à déplacer leurs revenus vers des filiales situées dans des pays où les taux d'imposition sont plus faibles.

L'évaluation des actifs transférés d'une filiale à l'autre constitue un problème pour les autorités fiscales, qui devraient pouvoir compter à l'avenir sur une plus grande transparence quant à la méthodologie utilisée.

Les multinationales pourraient par ailleurs être contraintes par les États où elles ont leur siège social à divulguer leurs activités et leurs revenus pays par pays.

L'utilisation de sociétés qui ne sont rien de plus que des coquilles juridiques servant à des fins fiscales deviendrait ainsi plus difficile.

L'objectif ultime, au dire de l'OCDE, est de faire en sorte que les «bénéfices soient déclarés là où les activités économiques qui les génèrent sont exercées et là où la valeur est créée».

La question de l'optimisation fiscale a suscité beaucoup d'attention au cours des dernières années alors que de nombreuses entreprises de renom se sont fait montrer du doigt en raison des taux d'imposition dérisoires qu'ils réussissaient à obtenir.

Les ONG qui réclamaient d'importantes réformes pour corriger la situation ont reçu le plan de l'OCDE avec scepticisme.

Les mesures, de nature volontaire, ne vont «vraiment pas assez loin» pour contrer les stratagèmes utilisés et assurer une plus grande transparence en matière fiscale, note les dirigeants de la Global Alliance for Tax Justice.

Ce regroupement international d'organisations civiles déplore notamment que les déclarations d'activités et de revenus pays par pays ne soient pas rendues publiques, empêchant toute pression populaire.

Ils dénoncent par ailleurs que nombre de pays en développement n'auront pas accès à ces données alors qu'ils sont souvent victimes des pratiques fiscales des entreprises.

Des doutes

Dennis Howlett, qui préside l'organisation Canadiens pour une fiscalité équitable, se montrait déçu hier du résultat.

«À mesure que le processus s'étirait dans le temps, les grosses compagnies ont accru leur lobbying et ont réussi à atténuer la portée des mesures envisagées... Il y aura quelques améliorations, mais ce ne sera pas le changement de paradigme que l'on espérait», relève-t-il.

Le militant doute, quoi qu'il en soit, que le Canada s'empressera d'intégrer les nouvelles mesures dans son arsenal législatif.

«Le gouvernement fédéral pense que c'est son devoir d'aider les entreprises canadiennes en fermant les yeux sur certaines pratiques fiscales controversées», souligne le porte-parole.

Selon lui, les autorités fédérales ont notamment indiqué qu'elles n'imposeraient pas avant quelques années la déclaration de revenus pays par pays aux sociétés concernées.

«Ils n'auront pas le choix éventuellement d'aller de l'avant, mais ils ne montrent certainement aucun empressement en ce sens», indique le porte-parole.

Le ministère fédéral des Finances a indiqué hier, dans un courriel à La Presse, qu'Ottawa avait soutenu l'élaboration du plan proposé et que ses fonctionnaires, de concert avec ceux de l'Agence de revenu du Canada, formuleraient «des recommandations sur la marche à suivre» à l'attention du gouvernement.

Les mesures proposées par l'OCDE doivent être soumises à l'approbation des ministres des Finances du G20 au cours d'un sommet prévu le 8 octobre à Lima, au Pérou.