Alors qu'AccorHotels a annoncé lundi être le premier groupe hôtelier international à s'implanter en Iran depuis l'accord historique du 14 juillet, les gros acteurs de secteur ne cachent pas leur appétit pour ce pays aux infrastructures obsolètes, où il y a tout à faire.

Abandonné par les Occidentaux depuis la révolution islamique de 1979, le parc hôtelier iranien souffre d'un besoin criant d'établissements et d'un important déficit en investissements.

Si le secteur a survécu tant bien que mal aux sanctions internationales, à Téhéran, qui compte près de 9 millions d'habitants, «moins de 100 hôtels peuvent se prévaloir d'avoir des normes internationales», remarque Jean-Jacques Dessors, directeur général chargé de la Méditerranée, du Moyen-Orient et de l'Afrique au sein du groupe français AccorHotels.

«Ce sont en général des ex-Sheraton, des ex-Hyatt qui ont subi l'outrage du temps», souligne-t-il.

Le numéro un européen, qui s'intéresse de longue date au pays et vient de nommer un directeur général dédié au marché iranien, compte y implanter l'ensemble de ses marques, de l'économique jusqu'au luxe. Outre la signature d'un contrat de gestion pour deux hôtels Novotel (296 chambres) et Ibis (196 chambres) à l'aéroport de Téhéran, le groupe est en discussion pour ouvrir un Sofitel et un Pullman dans le centre-ville de la capitale.

Signe du potentiel, le taux d'occupation des hôtels téhéranais est passé de 58% en 2013 à 79% en 2014, alors que le pays était encore en négociations sur son programme nucléaire.

«L'Iran aligne tous les clignotants pour une très belle réussite hôtelière et touristique. C'est un marché de conquête qui peut aller vite en développement et devenir assez rapidement rentable», analyse Gwenola Donet, directrice France du cabinet JLL Hotels & Hospitality.

Outre la taille de la population -près de 80 millions d'habitants-, l'existence d'une classe moyenne qui va «recommencer à consommer» et de structures administratives constituent selon elle un «socle pérenne» de développement.

La clientèle d'affaires représente déjà un marché en plein développement. À plus long terme, les groupes hôteliers misent sur un boom du tourisme, une fois les sanctions levées, compte tenu notamment de la richesse du patrimoine archéologique. Le pays prévoit ainsi d'accueillir 20 millions de touristes étrangers d'ici 2025.

«Course au plus rapide»

Les projets ne se limitent pas aux grandes villes, point de départ de la stratégie de développement d'AccorHotels, ni aux zones franches, comme l'île de Kish. Selon la lettre d'information Touriscopie, la province du Golestan, au sud de la mer Caspienne, fait état de la création de dix nouveaux hôtels, et «sur tout le territoire, une douzaine de groupes hôteliers internationaux sont sur les rangs pour construire de nouvelles unités».

InterContinental, Hyatt, Hilton et Starwood étudient de nouvelles créations, la plupart du temps sans investir dans les murs mais en s'associant avec des entreprises du BTP pour minimiser les risques. «Il va y avoir une course au plus rapide», prédit Gwenola Donet.

Pourtant, de nombreuses incertitudes subsistent quant à l'avenir. Fin juillet, le ministre de l'Économie Emmanuel Macron avait jugé utile de mettre en garde les groupes français contre toute «précipitation». L'Iran n'est pas à l'abri de soubresauts diplomatiques susceptibles de faire replonger le pays dans le cycle des sanctions.

Par ailleurs, tant que ces dernières ne sont pas levées, les transactions bancaires avec l'étranger restent impossibles. «Il n'y a quasiment pas de canaux financiers existants avec l'Iran en ce moment», reconnaît un représentant du Medef International, qui se rendra en Iran avec 130 entreprises françaises du 21 au 23 septembre.

La compétition s'annonce rude, prévient en outre Vanguelis Panayotis, directeur du développement au cabinet MKG : «Même s'il y a beaucoup d'enthousiasme, le temps des sorties de projet sera probablement assez long et la concurrence difficile, notamment avec les Chinois qui entretiennent d'excellentes relations commerciales avec l'Iran».

Enfin, si les potentialités du tourisme sont importantes, le respect des coutumes locales, comme le fait pour les femmes de devoir couvrir leur tête en public, pourrait constituer un frein.

Dans tous les cas, les acteurs français du tourisme et de l'hôtellerie ont leur carte à jouer, notamment parce que «certaines entreprises sont restées lors des moments les plus durs des sanctions», rappelle Gwenola Donet. «Il y a un «terreau favorable».