Le président de la BCE Mario Draghi a assuré jeudi que son institution était toute disposée à en faire plus pour soutenir les prix en zone euro, estimant qu'il n'y avait «pas spécialement de limites» à une action plus poussée.

La Banque centrale européenne (BCE) s'est montrée préoccupée jeudi par la dégradation des perspectives de croissance et d'inflation en zone euro, tout en affirmant ne se fixer «aucune limite» dans son soutien à l'économie de la région.

«Tout récemment, de nouveaux risques sont apparus pour les perspectives de croissance et d'inflation» en zone euro, a déclaré lors de sa conférence de presse régulière le président de l'institution Mario Draghi, qui fêtait ce même jour son soixante-huitième anniversaire.

L'Italien s'est inquiété d'un essouflement des économies émergentes, et notamment de la Chine où les signes de ralentissement ont provoqué ces dernières semaines de vives turbulences sur les marchés financiers mondiaux. Il a par ailleurs pointé du doigt la baisse des cours du pétrole, qui pourrait tirer les prix en territoire négatif ces prochains mois.

Ces développements peuvent-ils avoir des conséquences négatives sur le long terme pour l'économie européenne ou ne sont-ils que des remous transitoires ? Il est encore «trop tôt» pour répondre à cette question, a estimé le banquier central.

Les économistes de la BCE n'en ont pas moins révisé à la baisse leurs projections d'inflation et de croissance en zone euro pour cette année suivante et les deux suivantes.

M. Draghi a réaffirmé «la volonté et la capacité (de la BCE, ndlr) à agir, si nécessaire, en utilisant tous les instruments disponibles dans le cadre de son mandat», et notamment en accélérant le rythme de son vaste programme de rachat de titres lancé début mars.

Politique monétaire «flexible»

Dans le cadre ce «QE», acronyme anglo-saxon désignant ce programme, la BCE rachète chaque mois quelque 60 milliards d'euros de dettes - principalement publiques - et vise au total 1140 milliards d'euros de rachats d'ici septembre 2016.

Ce programme dispose de «flexibilité concernant ta taille, sa composition et sa durée», a rappelé M. Draghi, évoquant d'ores et déjà la possibilité de l'étendre au-delà de septembre 2016 «si nécessaire».

Et «il n'y a pas spécialement de limites dans la capacité qu'a la BCE d'augmenter la voilure de sa politique monétaire», à part celles de son mandat, a assuré le banquier central.

En ouvrant grand la porte une action encore plus vigoureuse, M. Draghi a fait la joie des marchés: les Bourses européennes ont toutes fortement grimpé après son intervention, et l'euro cédait du terrain par rapport au dollar.

M. Draghi a précisé que le conseil des gouverneurs n'avait pas discuté cette semaine d'élargissement du «QE». «Nous n'en sommes pas encore là», a-t-il dit.

L'institution monétaire s'est d'ailleurs contentée d'un ajustement purement technique du «QE», en élargissant le plafond par pays de dette souveraine qu'elle peut acquérir pour chaque émission obligataire.

«Le doigt sur la gâchette»

Pour autant, M. Draghi «a clairement signifié que la BCE avait le doigt sur la gâchette si la situation venait à empirer», souligne Johannes Gareis, de Natixis.

Et «il ne faudrait pas beaucoup plus de turbulences pour déclencher une réponse de la BCE. On peut déjà considérer cela comme une intervention verbale sans équivoque», renchérit Holger schmieding, analyte chez Berenberg.

Pour son confrère Howard Archer, chez IHS, le fait de savoir «si la BCE va faire un nouveau pas en avant va clairement dépendre» de l'évolution de la croissance et des perspectives d'inflation ces prochains mois.

Après des débuts encourageants, le «QE» peine toujours à ramener l'inflation en zone euro à un rythme proche mais inférieur 2%, qui correspond pour la BCE à la définition de la stabilité des prix.

En août, la hausse des prix à la consommation n'a guère progressé, pointant à 0,2%, comme lors du mois précédent. Pour cette année, la BCE ne table plus que sur une inflation de 0,1%.

Les nouvelles prévisions macroéconomiques de la BCE

Voici les prévisions macroéconomiques, actualisées jeudi, de la Banque centrale européenne (BCE) pour la zone euro pour les années 2015, 2016 et 2017.

Quand elles diffèrent, les précédentes prévisions publiées en juin sont indiquées entre parenthèses. En l'absence d'indication, la prévision est stable.

> Les projections de la BCE (PDF)

2015 2016 2017

CROISSANCE +1,4% (+1,5%) +1,7% (+1,9%) +1,8% (2%)

INFLATION +0,1% (+0,3%) +1,1% (+1,5%) +1,7% (+1,8%)

CONSOMMATION PRIVEE +1,7% (+1,9%) +1,7% (+1,6%) +1,7% (+1,6%)

CONSOMMATION PUBLIQUE +0,7% +0,8% (+0,7%) 0,7% (+0,8%)

INVESTISSEMENTS +2,1% (+1,9%) +3,4% (+3,5%) +3,9%

EXPORTATIONS +4,5% (+4,2%) +4,9% (+5,4%) +5,2% (+5,6%)

IMPORTATIONS +4,7% (+4,8%) +5,4% (+5,8%) +5,7% (+5,9%)