Les dirigeants de la zone euro s'efforçaient dans la nuit de dimanche à lundi de trouver un compromis pour maintenir la Grèce dans l'euro, l'hypothèse d'un «Grexit» semblant s'éloigner dans l'immédiat.

Après plus de dix heures de discussion, et de multiples interruptions de séance, les chefs d'État et de gouvernement réunis à Bruxelles devaient reprendre leurs échanges vers 1 h GMT (21 h, heure de l'Est), après une nouvelle pause.

Ils examinaient le document ébauché par leurs ministres des Finances, qui propose d'imposer une bride très courte à Athènes en échange d'un éventuel plan d'aide financière.

Mais la menace d'une sortie temporaire de la Grèce de la monnaie unique, évoquée pour la première fois noir sur blanc dans un projet de plan des ministres des Finances de la zone euro, paraissait écartée, selon plusieurs sources diplomatiques européennes.

Selon ce document, «en cas d'échec à trouver un accord, la Grèce se verrait proposer de négocier rapidement une sortie temporaire de la zone euro, avec la possibilité de restructurer sa dette». Ce passage figurait au départ entre crochets pour signifier qu'il n'avait pas emporté l'adhésion de tous les ministres.

«L'atmosphère est à l'optimisme», résumait un diplomate européen.

Il restait néanmoins aux dirigeants européens à surmonter leurs profondes divisions pour trancher les nombreux points en suspens dans cette feuille de route, rédigée après des discussions très laborieuses.

Au final, la zone euro exige plusieurs mesures draconiennes d'Athènes, dont des abandons de souveraineté, puisque la Grèce devra soumettre aux institutions - Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international - certains projets de loi avant de les faire passer au Parlement.

Des pays, Pays-Bas en tête, demanderaient également au gouvernement grec de gauche radicale, élu sur la promesse d'en finir avec l'austérité, de revenir sur une série de décisions prises lors de son entrée en fonction, comme la réouverture de la télévision publique ERT.

Le temps presse

«Le texte dans son ensemble est très mauvais. Nous essayons de trouver des solutions», a réagi une source gouvernementale grecque, réclamant l'ouverture immédiate de négociations au vu de la «gravité» de la situation des banques, à court de liquidités.

Car le temps presse pour la Grèce, dont les caisses sont vides et l'économie exsangue.

Le pays, soumis à un contrôle des capitaux et dont les banques sont fermées depuis le 29 juin, vit désormais suspendu aux aides d'urgence de la Banque centrale européenne.

Or celle-ci va devoir décider lundi, au vu des résultats du sommet de Bruxelles, de maintenir ou non l'économie grecque sous perfusion.

«Il faut un signal politique ce soir» pour que la BCE poursuive son aide, a souligné dimanche une source européenne proche des discussions.

Mais alors que l'échéance de ce dimanche était présentée comme cruciale pour éviter l'effondrement financier de la Grèce, la lenteur des discussions a obligé les Européens à revoir leur calendrier.

La zone euro veut à présent ajourner son possible feu vert à un nouveau plan d'aide, évalué entre 82 et 86 milliards d'euros sur trois ans, exigeant que d'ici à mercredi le Parlement grec légifère sur une première série de réformes, notamment sur les retraites et le relèvement de taux de TVA.

Autant de thèmes très sensibles pour le gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras, porté au pouvoir en janvier sur la promesse qu'il ne laisserait pas imposer à son pays, épuisé par cinq années de crise et d'austérité, de nouveaux sacrifices.

La marge de manoeuvre pour le premier ministre est d'autant plus étroite que les réformes à présent réclamées par les créanciers de la Grèce, hautement impopulaires, sont à peine différentes de celles qui ont été rejetées massivement par 61 % des électeurs lors du référendum du 5 juillet.

Pour faire approuver ces réformes par le Parlement, Alexis Tsipras a dû se rapprocher de l'opposition, au prix de dissensions internes à son parti Syriza, ce qui laisse craindre une nouvelle crise politique.

Sur le front européen, le chef du gouvernement grec a aussi la délicate mission de rétablir la confiance qui s'est brisée au fil de ces six mois de négociations houleuses.

Division franco-allemande

Face à lui et à son ministre des Finances Euclide Tsakalotos, les Européens ont affiché leurs divisions tout au long de ce weekend intense: le sommet de dimanche a pris d'entrée l'allure d'un affrontement entre l'Allemagne, inflexible, et la France, qui prône une ligne plus souple, autour du maintien de la Grèce dans l'euro.

La France «va tout faire» pour garder la Grèce dans la zone euro, a assuré le président François Hollande.

Pour la chancelière allemande Angela Merkel, il n'est pas question au contraire d'un accord «à n'importe quel prix». «La valeur la plus importante, à savoir la confiance et la fiabilité, a été perdue» avec Athènes, a ajouté Mme Merkel, promettant des «négociations ardues».

Dans un climat délétère, il était difficile d'imaginer, comme l'assurait Alexis Tsipras, qu'un accord était à portée de main.

En Grèce, l'inquiétude est palpable. «Si on sort de la zone euro, une chose est certaine, le résultat sera une dévaluation terrible», s'inquiétait Dimitri Charalambidis, un commerçant de 59 ans dans le centre d'Athènes, favorable aux mesures d'austérité.

«Quand on est entré dans la zone euro, un euro valait 340 drachmes», se souvenait-il. «Aujourd'hui, il vaudra 2000 drachmes. Plus un Grec ne pourra voyager à l'étranger, même si les flux touristiques vers la Grèce vont être renforcés».