Après le Non grec au référendum, les regards étaient braqués lundi sur la BCE: alors que les dirigeants européens s'emploient à trouver une issue politique, elle seule peut éviter à l'économie grecque d'aller dans le mur, en violant ses règles.

Une réunion téléphonique des 25 membres du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne devait avoir lieu pour statuer sur le sort des prêts d'urgence ELA aux banques grecques, à partir de 14h (heure de l'Est), ont indiqué à l'AFP plusieurs sources proches des banques centrales de la zone euro. La BCE n'a pas confirmé.

Les Grecs ont massivement dit non dimanche aux réformes et coupes budgétaires demandées par les créanciers d'Athènes en échange d'un nouveau renflouement.

«Je crains que les développements en Grèce ne nous rendent pas la tâche plus facile», a réagi lundi Ewald Nowotny, gouverneur de la Banque d'Autriche, sur les ondes de la radio autrichienne ORF.

En attendant le référendum, la BCE avait consenti à plonger dans un coma artificiel les banques du pays en décidant le 28 juin de maintenir ces prêts d'urgence, sans en augmenter le plafond.

Temporiser

Selon plusieurs analystes, la BCE pourrait à nouveau se mettre en mode pause dans l'attente de décisions politiques, à la veille d'un sommet des pays de la zone euro prévu à Bruxelles.

«Nous nous attendons à ce que la BCE temporise, en ne réduisant pas les (prêts) ELA, mais éventuellement en disant aux dirigeants européens que sans un signal politique clair, elle devra bientôt les arrêter», estime Holger Schmieding, économiste de Berenberg.

Une analyse partagée par ses confrères de Natixis. «Nous sommes convaincus que (la BCE) ne prendra aucune décision sur l'ELA sans le soutien politique unanime et fort du Conseil européen», affirment-ils.

«Cela signifie que tant qu'il y a des négociations, le plafond de l'ELA va rester bloqué à 89 milliards d'euros», soulignent-ils. Mais sans une hausse des prêts d'urgence aux banques grecques, asphyxiées, «rien ne garantit qu'elles puissent tenir jusqu'au 20 juillet», date à laquelle Athènes doit rembourser 3,5 milliards d'euros à la BCE.

Les déclarations politiques s'enchaînaient lundi sur la suite à donner au choix des citoyens grecs. La chancelière Angela Merkel doit rendre visite lundi soir au président français François Hollande, avant un sommet exceptionnel de la zone euro mardi.

En attendant une issue politique, «c'est encore à la BCE de faire le sale boulot», relevait Carsten Brzeski, d'ING.

Dans son rôle de pourvoyeur de fonds des banques et de l'économie grecque, le gardien de l'euro est dans une position intenable. Les conditions formelles d'octroi d'ELA sont prêtes à sauter: les banques, fermées depuis une semaine, sont au bord de l'insolvabilité et leurs garanties nécessaires pour emprunter auprès de la banque centrale s'amenuisent.

«Plus si nécessaire»

Athènes sollicite néanmoins un relèvement du plafond des prêts ELA, seul moyen pour rouvrir les banques et éviter le «Grexit».

L'implosion de la zone euro fait figure de repoussoir pour la BCE. Mais pour beaucoup de ses membres, passer outre les règles est aussi une forme de sabotage de la zone euro. C'est le cas du président de la Bundesbank allemande Jens Weidmann, soutenu par son homologue slovaque et sans doute les Baltes. Le conseil prend ses décisions sur ELA à la majorité des deux tiers.

«Dans les circonstances de très grande incertitude en Europe et au niveau international, la BCE a été très claire, si c'est nécessaire on fera plus», a réaffirmé dimanche Benoît Coeuré, membre du directoire de l'institution.

Elle pourrait gonfler son programme géant de rachat de dettes, baptisé «QE». Ou passer à la vitesse supérieure en enclenchant le programme OMT, jamais utilisé, le «bazooka» de la politique monétaire qui la verrait acheter sans plafond des obligations d'État de pays dont les taux d'emprunt flamberaient. Ce n'était pas le cas lundi.

En revanche, pas question de restructurer la dette grecque détenue par la BCE, a rappelé le gouverneur de la Banque de France: c'est une dette qui «par nature ne peut pas être restructurée parce que ce serait un financement monétaire d'un Etat» contraire aux traités européens, a déclaré lundi Christian Noyer.