Ravagée par un an de guerre dans l'Est industriel et au bord du gouffre financier, l'Ukraine a accentué mardi la pression sur ses créanciers en menaçant de geler le paiement de sa dette extérieure en cas d'échec des négociations sur sa restructuration.

«Nous demandons aux créanciers de prendre en compte les propositions du gouvernement ukrainien et de restructurer la dette conformément aux conditions proposées par le gouvernement ukrainien», a lancé le premier ministre Arseni Iatseniouk devant les députés.

Ces derniers sollicités d'urgence ont approuvé dans la foulée un projet de loi autorisant le gouvernement à introduire «en cas de besoin» un moratoire sur le paiement de la dette extérieure de l'Ukraine. «Nous ne pouvons plus payer ces dettes en puisant dans les poches des Ukrainiens», a résumé le chef du gouvernement.

L'Ukraine, qui doit rembourser dans les quatre ans 30 milliards de dollars, espère un allègement de 15,3 milliards de dollars lors de négociations qu'elle mène depuis mars avec ses créanciers et qui doivent être bouclées d'ici la mi-juin.

Un accord est nécessaire pour que Kiev obtienne un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI). Mais les négociations s'avèrent plus compliquées que prévues, a récemment reconnu le ministre ukrainien des Finances Natalie Jaresko.

Selon le groupe Capital Economics, la loi approuvée mardi a peu de chance d'être suivie d'un moratoire mais «c'est un moyen d'augmenter la pression sur les créanciers et les pousser à faire des concessions».

«C'est un élément de pression psychologique (sur les créanciers) qui pourrait avoir des conséquences négatives sur l'image de l'Ukraine. C'est un défaut de paiement non déclaré», estime pour sa part l'expert ukrainien Taras Kotovytch du groupe d'investissement Investment Capital Ukraine, interrogé par l'AFP.

«Notre gouvernement demeure convaincu qu'une solution sur la restructuration peut être trouvée», a fait valoir Mme Jaresko sur sa page Facebook dans la soirée.

Le secrétaire américain au Trésor Jacob Lew a, lui, estimé mardi que les créanciers de l'Ukraine pourraient être contraints à des «sacrifices».

«C'est une situation où il devra y avoir un mélange de détermination à faire les sacrifices nécessaires pour que cela fonctionne, et une conscience éclairée de ses propres intérêts», a déclaré le responsable américain lors d'une conférence à Washington.

«Aidez-nous avec des dollars»

Plus tôt dans la journée, le gouvernement ukrainien avait souligné que la dette extérieure avait augmenté de 40 milliards de dollars sous le régime prorusse de Viktor Ianoukovitch, renversé en février 2014 après trois mois de contestation.

«Le pays n'a pas profité de ces fonds qui ont disparu sans laisser de traces», a fait valoir le gouvernement en ajoutant que les dépenses pour le service de la dette cette année étaient égales à celles destinées à la défense et aux forces de l'ordre.

«Nous disons aux créanciers privés: si vous voulez soutenir l'Ukraine, victime de l'agression russe, qui a perdu 20% de son économie et qui a perdu la Crimée, aidez-nous avec des dollars, des milliards de dollars», a déclaré le Premier ministre Iatseniouk.

Confrontées à un nouvel effondrement spectaculaire du produit intérieur brut (-17,6% au premier trimestre par rapport à un an plus tôt), les autorités ont besoin d'une bouffée d'oxygène mais les institutions financières privées rechignent à participer à l'effort massif des Occidentaux pour éviter à Kiev la faillite.

Étranglée financièrement par près de trois ans de récession et un an de guerre qui lui ont fait perdre le quart de ses exportations, le pays bénéficie d'un plan d'aide orchestré par le FMI de 17,5 milliards de dollars sur quatre ans, dont elle a reçu en mars cinq milliards.

L'aide doit toutefois être complétée par les créanciers privés, appelés à renoncer à une partie de leur mise, alors que la dette publique devrait exploser à 94% du PIB cette année, selon le FMI, en raison de la dévaluation sans précédent de la monnaie ukrainienne.

«Vu nos défis économiques (...) tout accord avec les créanciers internationaux doit combiner un report de l'échéance et une réduction» de la dette, a précisé Mme Jaresko dans son communiqué.