Après la zone euro, le Royaume-Uni s'approche à son tour à grands pas de la déflation avec une inflation nulle enregistrée en février, mais les analystes se montrent plutôt rassurants pour l'économie britannique.

En février, les prix à la consommation ont été stables (+0,0%) par rapport à ceux du mois de février 2014, a annoncé mardi l'Office national des statistiques (ONS), une première dans les annales, après une faiblesse déjà record de l'augmentation des prix en janvier (+0,3% sur un an).

L'institut a souligné que les prix de la nourriture avaient chuté de 3,4% sur un an, sur fond de «guerre des prix» entre les enseignes de supermarché britanniques qui s'affrontent pour conserver des clients confrontés à une stagnation des salaires.

Les prix des carburants ont plongé pour leur part de 16,6%, affectés par une chute de moitié des cours du pétrole depuis le mois de juin, qui se répercute sur les tarifs à la pompe à essence.

L'ONS a ajouté que les prix avaient augmenté moins vite, voire baissé, pour un certain nombre de produits culturels ou de loisirs, comme les ordinateurs portables, les livres et les jouets, sans qu'aucun mouvement important de hausse de prix pour d'autres types de biens ne permette de renverser la tendance.

«Le Royaume-Uni est désormais à deux doigts de la déflation», a prévenu Vicky Redwood, analyste chez Capital Economics. L'économiste a souligné que l'inflation «devrait rester autour de zéro, voire passer légèrement en territoire négatif, le reste de cette année mais il y a peu de risques que cela engendre une déflation structurelle dommageable».

Si la baisse des prix constitue en effet un phénomène bienvenu pour le pouvoir d'achat des consommateurs, elle peut, lorsqu'elle s'ancre dans les esprits, les inciter à reporter leurs achats pour bénéficier de meilleurs tarifs plus tard, ce qui comprime immédiatement les revenus des entreprises au risque de dissuader ces dernières d'investir.

Un tel cercle vicieux a notamment été observé pendant des années au Japon, nourrissant une déflation chronique dont les autorités cherchent encore à extraire l'économie. C'est ce phénomène qui est aussi parfois craint en zone euro, où les prix ont continué de diminuer en février, de 0,3% sur un an.

Enjeu politique, élections en vue

Au Royaume-Uni, nombre d'économistes se montrent toutefois rassurants.

«Au vu de la faiblesse des prix alimentaires et du pétrole, et avec des baisses de tarifs de l'énergie attendues, une brève période de déflation semble imminente dans les mois à venir», note Howard Archer, économiste chez IHS.

Mais il ajoute aussitôt: «point fondamental, il n'y a pas d'élément laissant penser que la déflation - sans même parler de déflation prolongée - soit prise en compte par les consommateurs». «Il y a donc actuellement peu de risques que les consommateurs britanniques reportent leurs achats en espérant une baisse des prix».

Le premier ministre conservateur, David Cameron, s'est en tout cas réjoui de la stagnation des prix, à un mois et demi d'élections législatives où le pouvoir d'achat des ménages pourrait peser sur le choix des votants.

«Inflation à 0% - la plus basse jamais enregistrée. C'est une bonne nouvelle pour les budgets des familles et un signe que notre plan à long terme fonctionne», a-t-il claironné sur son compte Twitter.

Elle pourrait en outre inciter la Banque d'Angleterre, dont les taux sont déjà très bas, à maintenir plus longtemps cette politique monétaire accommodante.

Depuis son arrivée au pouvoir, les salaires moyens ont augmenté de moins de 8%, alors que les prix ont grimpé dans le même temps de plus de 11%, d'après l'ONS, suscitant un certain mécontentement des classes populaires et moyennes, déçues de ne pas profiter des fruits de la reprise (2,6% de croissance au Royaume-Uni l'an passé).

Les travaillistes et leur leader, Ed Miliband, accusent le gouvernement d'avoir déprimé les revenus des ménages en imposant une sévère cure d'austérité au pays depuis cinq ans dans le but de réduire le déficit budgétaire.