Consommation morose, tensions déflationnistes, commerce extérieur en berne... face à l'assombrissement de la conjoncture, Pékin devrait abaisser son objectif de croissance économique pour 2015, tout en prenant de nouvelles mesures pour relancer l'activité et stimuler la demande, estiment des experts.

Personne ne s'y attendait: les douanes chinoises ont fait état lundi d'une chute surprise de 6,7% sur un an en valeur des importations du pays en novembre, très en deçà de la hausse de 4,6% du mois précédent.

Pour les analystes, cela traduit une contraction de la demande intérieure, aussi bien qu'un repli des cours des matières premières, dont le pétrole. Dans le même temps, les exportations chinoises -pilier de la deuxième économie mondiale - ont fortement ralenti.

Ces chiffres décevants interviennent à l'orée d'une semaine riche en publications d'indicateurs mensuels clefs - inflation mercredi, production industrielle et ventes de détail vendredi -, et juste avant une réunion annuelle des dirigeants chinois dédiée à leur politique économique.

«Danger de la déflation»

La hausse des prix à la consommation attire particulièrement l'attention: l'inflation était descendue en septembre et octobre à 1,6% sur un an, au plus bas depuis près de cinq ans... très loin de la cible officielle des 3,5%.

Le cabinet Capital Economics table sur un nouveau repli en novembre, à +1,5%. La banque ANZ attend elle un très léger sursaut, à +1,7%. Mais tous s'accordent sur la persistance de tensions «désinflationnistes».

«Le chiffre de novembre devrait de nouveau illustrer les risques grandissants de déflation en Chine. C'est un danger important pour l'économie, alors que la croissance devrait ralentir davantage sur les prochains trimestres», a indiqué Liu Li-gang, expert d'ANZ.

En filigrane, une baisse des cours des matières premières alimentaires, mais aussi les entreprises sacrifiant leurs prix pour écouler leurs stocks face à une demande atone - alors que des secteurs industriels entiers restent minés par de très fortes surcapacités.

La Chine a vu la croissance de son Produit intérieur brut (PIB) ralentir brutalement à 7,3% au troisième trimestre, au plus bas depuis 2009. Or Pékin s'est fixé pour 2014 un objectif de croissance «d'environ 7,5%».

De l'avis de beaucoup, la réunion des dirigeants chinois cette semaine pourrait être l'occasion d'abaisser pour 2015 leur objectif de croissance annuel, laissé inchangé depuis trois ans.

Pour Wendy Chen, de la banque Nomura, «l'objectif de croissance du gouvernement pour 2015 devrait être ramené à 7%, et son niveau cible d'inflation à 3,0%».

Lu Ting, de Bank of America Merrill Lynch, estime lui qu'un objectif de croissance abaissé à 7% est «quasiment assuré».

Pour autant, «même avec un objectif révisé en baisse, le gouvernement aura besoin d'assouplir encore davantage ses politiques» monétaire et budgétaire pour faire face aux «vents contraires», avertit-on chez Nomura.

Et de citer l'effritement continu du marché immobilier - les prix des logements ont reculé en novembre pour le septième mois consécutif -, les surcapacités industrielles, et l'endettement toujours très élevé des gouvernements locaux.

La banque centrale scrutée

Certes, le gouvernement a engagé depuis le printemps plusieurs trains de mesures pour stimuler l'activité - dont des exonérations fiscales et des assouplissements des règles sur les achats immobiliers -.

Et la banque centrale (PBOC) a procédé courant novembre à une baisse inattendue de ses taux d'intérêt - mesure inédite depuis 2012 - pour encourager le crédit: signe selon Lu Ting de «l'inquiétude des autorités».

Mais les effets de cette décision sont discutés - elle pourrait ne profiter qu'aux grandes entreprises d'État, qui ont un accès privilégié au système bancaire -, et de façon unanime, les experts interrogés par l'AFP attendent des actions supplémentaires.

«Il faudra du temps pour que les mesures déjà prises apportent un quelconque soutien à l'économie réelle», observe Lu Ting, qui mise sur de nouvelles baisses de taux et des abaissements des taux de réserves obligatoires des banques au premier semestre 2015.

Mais, toujours soucieux d'endiguer la «finance de l'ombre» et les dettes publiques, les autorités pourraient garder l'expansion du crédit sous contrôle.

Pour Liu Li-gang, de ANZ, «les banques ont encore peu de marge de manoeuvre», alors que les coûts de financement des entreprises «restent très élevés, et pourraient grimper encore face à la possibilité d'une déflation».

Faute d'«un développement rapide des marchés de capitaux», promis par Pékin, «on pourrait assister à un ralentissement économique entraîné par une contraction du crédit», avertit-il.