Le Japon est bien entré en récession à l'issue du troisième trimestre et l'économie s'est même contractée plus qu'annoncé mi-novembre, selon des statistiques publiées à moins d'une semaine d'élections législatives présentées comme un référendum sur les «Abenomics».

Le produit intérieur brut (PIB) du Japon a chuté de 0,5% entre juillet et septembre comparé au trimestre précédent, a annoncé lundi le gouvernement, révisant négativement l'évaluation préliminaire (-0,4%).

Les pronostics des analystes (-0,1%), qui n'avaient déjà pas prévu un scénario aussi noir précédemment, ont une nouvelle fois été déjoués.

Après une contraction de 1,7% entre avril et juin (selon les données actualisées), le retour en récession de la troisième puissance économique mondiale - pour la cinquième fois depuis 2000 - se confirme donc.

En rythme annualisé, le PIB a plongé de 6,7%, puis de 1,9% au cours des deux derniers trimestres.

Raison d'un tel marasme: l'entrée en vigueur début avril d'une TVA à 8% (contre 5% auparavant).

Sur la période estivale passée en revue, la consommation des particuliers est demeurée peu dynamique (+0,4%). Surtout, l'investissement privé a reculé plus qu'estimé en première approche, tant du côté des achats de logements (-6,8%) que des investissements non résidentiels des entreprises (-0,4%), qui ont en outre fortement réduit leurs stocks, plombant le PIB (-0,6 point).

La demande publique a par ailleurs été réévaluée à la baisse (+0,5%), tandis que les exportations sont restées inchangées (+1,3%).

Ces statistiques tombent mal pour Shinzo Abe, qui entend précisément interroger dimanche les électeurs sur ses «Abenomics», politique de relance mêlant assouplissement monétaire, largesses budgétaires et réformes structurelles.

«En deux ans, les Abenomics ont porté leurs fruits, même s'il reste à enclencher un cercle vertueux», a commenté le secrétaire général adjoint du gouvernement, Hiroshige Seko. «Faut-il s'arrêter là ou continuer ? C'est ce que nous demandons aux citoyens».

Au fil des discours et réunions de campagne, M. Abe n'a de cesse de vanter les mérites de sa recette, invoquant le faible taux de chômage, une déflation en passe d'être vaincue et les vertus de la dépréciation du yen.

L'opposition crie à l'«échec» des Abenomics

Face aux critiques qui se multiplient du côté des petites entreprises et des consommateurs, pénalisés par le coût renchéri des importations, le premier ministre répond qu'un yen fort était plus destructeur. Son ascension «avait provoqué de nombreuses pertes d'emplois à travers le Japon, et de grandes compagnies ont délocalisé leurs usines», a-t-il encore rappelé ce week-end.

Pour M. Abe et ses partisans, la récession a pour seule et unique cause la hausse de taxe - d'où la décision d'ajourner à avril 2017 un second relèvement - et l'horizon devrait rapidement se dégager.

Les effets de cette mesure se dissipant, «l'économie va probablement renouer avec la croissance au quatrième trimestre», corrobore Capital Economics. SMBC Nikko Securities anticipe également «un rebond solide».

Regain ou pas, l'opposition a pour sa part déjà enterré les Abenomics. Car, avant même cette pression fiscale accrue, le Japon n'était pas en si bonne posture: le PIB avait fléchi de 0,4% dans les trois derniers mois de 2013, suivi d'une embellie superficielle début 2014 (+1,4%) liée à la ruée des ménages dans les magasins en prévision de la TVA à 8%.

«Le résultat apparaît complètement différent du tableau élogieux qu'en dresse le premier ministre», a réagi Tetsuro Fukuyama, responsable du Parti démocrate du Japon (centre gauche). «L'échec des Abenomics est désormais évident pour tout le monde», a-t-il asséné, espérant désormais une sanction dans les urnes, non seulement contre la politique économique de M. Abe mais aussi envers ses stratégies diplomatique et pro-nucléaire.

Rien n'est moins sûr: les politologues prévoient une large victoire du Parti Libéral-Démocrate de Shinzo Abe devant une opposition en lambeaux. Selon les sondages, il pourrait emporter à lui seul plus de 300 des 475 sièges de la chambre basse, ce qui lui offrirait quatre ans supplémentaires au pouvoir.

Mais dans la population, le coeur n'y est pas. Les observateurs redoutent une abstention record: les Nippons ont en effet bien du mal à comprendre la raison de cet onéreux scrutin, deux ans avant l'échéance.