Toute la semaine, Francis Vailles se penche sur la Finlande, une nation dont les parallèles avec le Québec sont frappants.

L'humoriste Martin Matte n'a jamais voulu révéler ses revenus à Bernard Derome, en janvier, dans la minisérie sur les riches. En Finlande, une telle retenue serait inutile: depuis 1999, les déclarations de revenus de tous les résidents sont publiques.

Ainsi, pour avoir accès au salaire d'un comédien, de son collègue ou même de son voisin, il suffit d'en faire la demande par écrit au gouvernement. Chaque année, les médias font d'ailleurs leurs choux gras des salaires des personnages en vue de la société finlandaise.

Cette idée peut paraître saugrenue au Québec, où l'argent est un sujet tabou. Elle serait une hérésie pour le Nord-Américain moyen, qui considère que la vie privée est sacrée.

En Finlande, cette divulgation oblige les Finlandais à jouer franc jeu. Comment faire de l'évasion fiscale quand vos voisins connaissent votre salaire et constatent votre train de vie? Comment vous plaindre devant vos amis de vos (fausses) pauvres conditions?

Cette totale transparence, voire cette honnêteté, est un trait de caractère propre à la société finlandaise. La Finlande est d'ailleurs reconnue comme l'une des sociétés les moins corrompues de la planète.

L'honnêteté finlandaise facilite grandement l'organisation du «vivre ensemble» et rend les services publics efficaces. Par exemple, il n'y a aucun guichet, aucune guérite ou aucune clôture dans les stations de métro, ai-je constaté avec surprise au moment de payer mon premier passage. Seul un petit bidule électronique trône devant les escaliers roulants menant à chaque rame de métro, devant lequel les usagers présentent docilement leur carte de transports en commun.

Bien sûr, l'amende de 80 euros (115$) advenant un «oubli volontaire» a un effet dissuasif, mais les vérifications dans le métro sont rares, m'explique Jean Taillon, un Québécois qui vit en Finlande.

Même chose pour les fruits et légumes des supermarchés. Les consommateurs doivent eux-mêmes inscrire le code du produit et apposer l'étiquette de prix que crache la balance électronique. Bien franchement, il m'a effleuré l'esprit de choisir les bananes bios, plus chères, et de mettre le code des bananes ordinaires, mais l'air finlandais a téléguidé mes doigts vers le bon code.

Autre surprise au supermarché: les aliments coûtent passablement cher. Les haricots verts frais se vendent l'équivalent de 14$ le kilo, trois fois plus cher qu'à Montréal en ce moment (4,40$ le kilo). Un sac de croustilles Lays de 175 grammes coûte 3,10$, contre 2,60$ à Montréal (+ 19%).

Certains aliments reviennent environ au même prix, néanmoins, comme le litre de lait (1,75$) ou le poisson. D'autres produits sont carrément beaucoup moins chers, comme les chaussures Ecco (- 30%). L'essence? L'équivalent de 2,25$ le litre.

Il faut dire que les prix incluent une taxe de vente de 14%, dans le cas des aliments, qu'il faudrait déduire pour comparer avec nos prix réels. Mais à quoi bon déduire, puisqu'au Québec, les aliments ne sont pas taxés, pour la plupart. Cette taxe de 14% peut sembler élevée, mais elle est moindre que la taxe de vente généralement appliquée sur les autres produits, de 24%!

Référence ultime, diront certains: le prix du Big Mac de McDonald's. Un trio (avec frites et boisson gazeuse moyenne) revient à 9,45$ à Helsinki, contre 8,73$ à Montréal, taxes comprises. L'écart est de 8%.

Quant aux maisons, elles sont environ 25% plus chères qu'à Montréal, selon un sondage non scientifique.

Cette différence rend-elle les Finlandais relativement plus pauvres que les Québécois? Pas forcément. Les Finlandais semblent toucher généralement un meilleur salaire lorsqu'ils commencent un métier ou une profession, mais la paye grimpe moins.

Au Québec, un enseignant qui débute gagne 38 900$, contre l'équivalent de quelque 45 100$ en Finlande (32 000 euros). Par contre, le salaire n'y grimpe pas jusqu'à 70 000$, comme au Québec, à moins de demander une augmentation de charge de travail, ce qui est fréquent.

Autre exemple: l'employé de premier niveau qui débute dans un restaurant est payé 13,80$ l'heure, mais le plus qualifié est à 15,80$. Au Québec, le salaire minimum est de 10,35$, mais les clients laissent des pourboires, ce qui n'est pas le cas en Finlande.

Pour avoir un portrait plus juste, il faudrait faire une analyse plus détaillée, notamment pour des professions libérales du secteur privé (ingénieurs, avocats, etc.).

Quoi qu'il en soit, les taux d'imposition des revenus des particuliers sont un peu plus élevés qu'au Québec. Le plus haut taux imposé sur les revenus est de 51,1% en 2013, contre 50% au Québec (fédéral-provincial combinés). Et les appareils de loterie vidéo sont partout, au café du coin comme au supermarché ou au dépanneur du métro.

En ajoutant les taxes de vente, la part des recettes fiscales de l'État équivaut à 44% du PIB, contre 36% au Québec (en 2011).

Enfin, les Finlandais appliquent la progressivité non seulement dans la table d'imposition, mais aussi pour les amendes, nommément celles des infractions routières. Ainsi, les policiers remettent un billet pour excès de vitesse qui est fonction du salaire (public) de l'automobiliste.

Il y a quelques années, un entrepreneur de la saucisse s'est vu imposer une amende de 170 000 euros (239 000$) en raison de sa conduite dangereuse dans un secteur où il y avait présence d'enfants!

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Comparaison Québec-Finlande: les impôts et les taxes Finlande

Québec  Canada (3) États-Unis OCDE

Taux d'imposition maximum, revenus des particuliers (2013) (2): 51,1% 50,0% 49,5% 46,3% n.d.

Taux d'imposition, profits des sociétés (2013) (1): 24,5% 26,9% 26,1% 39,1% 25,5%

Taux de taxes de vente (TVQ-TPS ou l'équivalent) (1): 24,0% 15,0% 13,0% ind. 19,1%

Recettes fiscales en % du PIB (2011) (1): 44% 36% 30% 24% 34%

Source:

1- CRFFP, Université de Sherbrooke

2- OCDE

3- Pour le Canada, l'OCDE utlise les taux de l'Ontario