Les puissances émergentes des Brics ont créé mardi leur propre banque et un fonds de réserve, posant la première pierre d'une nouvelle architecture financière face à l'hégémonie occidentale, lors de leur 6e sommet annuel au Brésil.

Réunis dans la station balnéaire de Fortaleza (nord-est), les dirigeants de Russie, d'Inde, de Chine et d'Afrique du Sud ont surmonté leurs divergences pour s'accorder sur les modalités de cette institution, qui constituait un serpent de mer depuis plusieurs années.

«Ces initiatives montrent que nos pays sont engagés dans une association solide et productive malgré leur diversité», s'est félicitée la présidente brésilienne Dilma Rousseff.

Basée à Shanghaï, cette nouvelle banque, destinée à financer les grands travaux d'infrastructures, sera dotée d'un capital initial de 50 milliards de dollars, apporté à parts égales par les membres des Brics, avec une force de frappe potentielle de 100 milliards.

L'accord sur les réserves permettra d'éviter «les pressions à court terme sur les liquidités», «promouvoir une plus grande coopération» au sein des Brics et «renforcer la sécurité financière globale», précise la déclaration finale du sommet.

Les Brics, qui représentent 40% de la population et un cinquième du PIB de la planète, n'avaient jusqu'ici pas réussi à s'entendre sur ce double projet visant à faire contrepoids à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI), où ils s'estiment mal représentés.

La question du siège avait notamment compliqué les négociations, le président sud-africain Jacob Zuma ayant insisté jusqu'au bout pour Johannesburg, alors que la Russie penchait pour Shanghai, au risque de froisser l'Inde, inquiète d'une domination chinoise.

Pour ménager New Delhi, il a été annoncé, dans un subtil dosage, que le premier président de la banque serait issu d'Inde.

«Outil très puissant» 

Cette annonce d'un nouveau système financier survient au moment où certains pays émergents donnent des signes d'essoufflement, avec une prévision de croissance de seulement 1% au Brésil ou en Russie, pénalisés par la politique monétaire américaine.

Le président russe Vladimir Poutine, qui accueillera en juillet 2015 le prochain sommet des Brics, a salué l'accord de Fortaleza, y voyant un «outil très puissant pour prévenir de nouvelles difficultés économiques».

Son homologue chinois Xi Jinping a évoqué une «association solide», réaffirmant la nécessité d'«augmenter la représentativité et la voix des pays en développement», alors que les Brics dénoncent régulièrement la lenteur de la réforme du FMI censée leur apporter davantage de droits de vote.

Appelant la banque à «combattre la pauvreté», le premier ministre indien, le nationaliste hindou Narendra Modi, très attendu pour sa première grande sortie internationale, a pour sa part exhorté ses partenaires à parler d'une «voix unie et claire pour un monde pacifique, stable et équilibré».

«L'établissement d'une nouvelle banque de développement est un pas important pour donner aux Brics une colonne vertébrale»,  estime auprès de l'AFP l'analyste brésilien Marcos Troyjo, directeur du «BRICLab», un centre de recherche de l'université américaine de Columbia.

Ce nouveau système n'est «pas dessiné pour concurrencer les institutions traditionnelles» mais «a pour but de jouer un rôle complémentaire aux institutions basées à Washington», précise cet expert.

Parallèlement à cette volonté d'autonomie financière, le rendez-vous des Brics a aussi donné l'occasion pour les émergents de faire entendre leur voix sur le plan diplomatique, en pleine explosion de la crise ukrainienne.

Dans sa déclaration finale, le sommet exprime sa «profonde préoccupation» et lancé un appel pour un «dialogue mutuel» et la «désescalade du conflit», un message attendu par M. Poutine, confronté aux sanctions occidentales pour son soutien aux séparatistes prorusses.

Après Fortaleza, les dirigeants des Brics se rendront mercredi à Brasilia pour des rencontres avec des chefs d'État sud-américains, suivies jeudi d'un sommet spécial entre la Chine et l'Amérique latine, signe de l'intérêt de Pékin qui a consacré à cette région près de 20% de ses investissements l'an dernier.