L'un des plus gros chantiers de génie civil au monde, l'élargissement du canal de Panama, était en danger mercredi après la rupture des négociations autour des surcoûts liés aux travaux, le constructeur espagnol Sacyr menaçant d'«années de conflits devant les tribunaux».

Cent ans après son inauguration, ce canal, par lequel transite 5% du commerce maritime mondial, peut difficilement espérer boucler comme prévu sa troisième série d'écluses d'ici 2015, alors que le chantier tourne déjà au ralenti depuis des semaines, dans l'attente d'une solution au conflit.

Une solution qui aurait pu aboutir mardi, date-butoir pour les discussions entre l'Autorité du Canal de Panama (ACP) et le Groupe uni pour le Canal (GUPC), consortium international chargé des travaux et dirigé par Sacyr. Las, ce dernier a communiqué mercredi matin la rupture des négociations.

La Bourse de Madrid, qui a faisait grimper le titre lundi dans l'espoir d'un accord, n'a franchement pas apprécié ce revers: à 12H45 GMT, les actions de Sacyr chutaient de 5,88% à 3,649 euros, dans un marché en hausse de 0,18%.

La Commission européenne a quant à elle exprimé sa stupéfaction devant cette annonce «inattendue», le commissaire chargé de l'Industrie, Antonio Tajani, faisant part de son «espoir» que les «parties puissent reconsidérer leurs positions dans leurs prochains jours».

Si le constructeur espagnol promet que le consortium «continue de chercher une solution de financement pour terminer le projet et les travaux en 2015», le ton de son communiqué, dans lequel il attribue la responsabilité de l'échec des discussions à l'ACP, est particulièrement dur.

«La rupture des négociations met en danger l'expansion du canal de Panama et jusqu'à 10.000 postes de travail», affirme Sacyr, ajoutant que «l'attention du monde entier se concentre sur Panama et sa capacité à terminer le projet du canal de Panama».

«Sans une solution immédiate, Panama et ACP feront face à des années de conflits devant les tribunaux nationaux et internationaux sur les étapes qui ont mené le projet au bord de l'échec», prévient le groupe espagnol.

Et «les années de litiges et d'arbitrage devant les juridictions du monde entier jetteront une ombre sur ACP et sur le Canal de Panama».

Au coeur du conflit: une facture bien plus lourde que prévu, le consortium réclamant une rallonge pour couvrir des surcoûts qu'il estime à 1,6 milliard de dollars (1,2 milliard d'euros).

Une somme «d'une telle ampleur qu'aucune entreprise privée ne peut l'assumer seule», dit le groupement d'entreprises, qui inclut également l'Italien Salini-Impregilo, le Belge Jan De Nul et le Panaméen Constructora Urbana.

Il avait déjà menacé fin décembre de suspendre les travaux dans un délai de trois semaines en cas de non-versement de cette rallonge, dont le montant est faramineux au regard du contrat initial fixé à 3,2 milliards de dollars. Ce surcoût est dû selon le GUPC à des problèmes géologiques imprévus sur le chantier.

Il propose que «les parties partagent le financement à 50-50 jusqu'à l'achèvement du projet» puis qu'«un tribunal international d'arbitrage décide qui est responsable des surcoûts additionnels et qui doit les payer».

«Il est injuste et impossible pour ACP et le Panama d'espérer que les entreprises privées financent par elles-mêmes 1,6 milliard de dollars de coûts dans un projet qui devrait être financé en totalité par ACP», affirme le consortium.

Les travaux, qu'il dit avoir réalisés à plus de 70%, ont déjà accumulé un retard de neuf mois, sans compter les revers de ces dernières semaines. Les constructeurs citent une estimation de l'assureur Zurich, qui a calculé que le retard serait de trois à cinq ans en l'absence d'accord.

Long de 80 kilomètres, le canal de Panama a été inauguré en 1914 et avait été rétrocédé par les États-Unis au Panama en 1999.

Son extension, qui passe notamment par le percement d'une troisième voie d'eau, l'élévation du niveau du lac Gatun, l'élargissement des voies d'accès, le creusement du lit du canal et la construction de nouvelles écluses sur trois niveaux, doit permettre le passage de navires transportant jusqu'à 12.000 conteneurs, soit plus du double de la charge actuellement autorisée à emprunter la voie navigable.