Son économie n'est pas tombée en récession depuis 22 ans. Et c'est l'un des rares pays bénéficiant de la note de crédit «AAA». Pourtant, l'Australie inquiète les économistes en raison d'une surchauffe immobilière sans précédent.

Il faisait chaud, beaucoup trop chaud, au «Pays-d'en-dessous» la semaine dernière. Et on ne parle pas uniquement de la température de 42°C enregistrée sur les courts de tennis des Internationaux d'Australie.

Le climat sur le marché immobilier australien est tout aussi torride ces temps-ci. Selon les statistiques de l'industrie, les prix de la brique et du mortier ont bondi de 10% dans l'ensemble de la grande île en 2013 et de plus de 15% à Sydney. Sur 4 ans, la hausse frôle les 50% dans la métropole.

Or, la communauté économique a sonné une énième alarme, la semaine dernière, lorsque les autorités bancaires ont révélé que les demandes de prêts hypothécaires en Australie ont bondi de 25% en novembre, la plus forte hausse en quatre ans. Loin de reculer devant les prix élevés de la propriété, les acheteurs continuent à se ruer aux portes des maisons à vendre.

Si bien que des experts placent «the land down under» sur leur liste des économies à surveiller en 2014 en raison des risques de bulle immobilière.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment pointé les dangers de surchauffe sur le cinquième continent. Et plus un jour ne passe sans que les médias australiens ne s'interrogent sur l'existence d'une bulle immobilière.

Dans une étude, la Deutsche Bank a récemment classé l'Australie parmi les cinq marchés immobiliers les plus surévalués du monde, avec le Canada, la Belgique, la Nouvelle-Zélande et la Norvège.

Un édifice fragile

Selon les experts, le phénomène pernicieux qui se déroule actuellement à Sydney touche aussi Vancouver et Oslo: les taux d'intérêt historiquement faibles encouragent les banques à prêter et les ménages à s'endetter, parfois au-delà du raisonnable, pour mettre la main sur une propriété à prix fort.

Le prix médian d'une maison tourne autour de 700 000$AU (690 000$CAN) ces jours-ci à Sydney. Si vous pensez économiser en construisant votre maison dans ce pays aux vastes étendues inhabitées, il vous faudra vous raviser: un terrain vacant de 1 acre (43 000 pieds carrés ou 4000 mètres carrés) dans les banlieues éloignées de la métropole australienne coûte environ 400 000$AU (ou environ 395 000$CAN), selon des promoteurs immobiliers.

La crainte principale des experts, c'est qu'une hausse des taux d'intérêt ou un ralentissement de l'économie ne secoue ce fragile édifice.

Le risque d'effondrement du marché immobilier est d'autant plus grand que les Australiens préfèrent les hypothèques à taux variable, ce qui les rend vulnérables à des fluctuations rapides des taux d'intérêt. Près de 85% des prêts hypothécaires en vigueur en Australie sont à taux variable, selon les statistiques officielles.

«Cela pourrait affecter sévèrement la rentabilité des institutions financières», prévient la banque CLS, de Sydney, dans une note économique.

Endettés... comme les Canadiens

Évidemment, l'engouement pour l'immobilier à prix d'or a des conséquences sur les finances des ménages.

Selon la banque centrale du pays, les dettes des Australiens représentent environ 150% de leur revenu disponible (après impôt), ce qui est un peu mieux que les Canadiens (avec un ratio d'environ 160%). Mais c'est nettement plus que le taux d'endettement des Américains, à 135% environ, longtemps considérés comme des accros au crédit.

(Les Danois sont, par ailleurs, les champions incontestés dans ce domaine, avec un ratio dettes/revenu disponible... de 321%! selon l'OCDE.)

Avec les prix records de l'immobilier, les ménages australiens - surtout les premiers acheteurs - ont du mal à boucler leur budget. Leur marge de manoeuvre est quasi inexistante, et beaucoup doivent avoir deux ou même trois emplois pour respecter leurs engagements.

Les autorités australiennes font face à un dilemme épineux: on pourrait augmenter les taux d'intérêt pour refroidir le secteur immobilier, mais au risque de freiner une économie déjà ralentie par la faible demande asiatique pour les abondantes ressources minérales du pays.

L'Australie a affiché en décembre un taux de chômage de seulement 5,8%, mais la perte de 22 600 emplois a affaibli sa devise à un creux de 3 ans. Donc, les autorités n'ont pas envie d'appuyer sur les freins trop brusquement. Il leur reste donc à espérer que la température dans les propriétés à vendre devienne enfin trop chaude pour les acheteurs.

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LES «AAA» MENACÉS PAR LA SURCHAUFFE

Une surchauffe immobilière menace plusieurs pays parmi les plus solides financièrement. Outre l'Australie, le risque immobilier plane sur plusieurs économies bénéficiant de la cote «AAA» selon une étude du groupe français Amundi, qui souligne le fait que «dans des pays dits «AAA» - dont l'Australie, le Canada, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède -, les prix de l'immobilier ont encore fortement grimpé ces derniers trimestres». L'OCDE estimait déjà en mai que l'immobilier était surévalué de 49% en Norvège, de 47% au Canada, de 29% en Australie, de 27% en Suède et de 26% au Royaume-Uni.