Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a reconnu vendredi que l'économie russe se portait mal et appelé le pays, «à la croisée des chemins», à prendre des risques pour ne pas sombrer dans le «gouffre».

Dans une longue tribune publiée par le quotidien Vedomosti, intitulée «l'époque des décisions simples est révolue», puis lors d'un discours devant un parterre d'hommes d'affaires à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, M. Medvedev a dressé un sombre tableau de la situation économique en Russie.

«Actuellement, des conditions externes défavorables affectent notre économie. Ainsi qu'un tas de problèmes non résolus», a-t-il écrit dans Vedomosti, soulignant que les pronostics de croissance étaient «relativement pessimistes».

«La hausse du Produit intérieur brut cette année ne dépassera sans doute pas 2 %. Je remarquerai que c'est la première fois depuis 2009 que c'est inférieur à la moyenne de la croissance économique mondiale», constate-t-il.

Selon le chef du gouvernement, il n'est pas rentable de continuer de produire sur une série d'usines et sites vieillissants, de même qu'investir dans de nouveaux grands projets en raison d'une série d'obstacles, tels que les prix élevés de construction.

De fait, la hausse de la production n'est soutenue que par des projets publics, l'octroi de subventions du gouvernement et la hausse des salaires des fonctionnaires, ce qui est possible actuellement grâce à des cours élevés du pétrole.

Mais cette manne pourrait se tarir et «c'est pourquoi il est extrêmement important de trouver des sources de croissance économique hors du secteur public», souligne-t-il.

Dans ce contexte, «nous nous trouvons à la croisée des chemins. La Russie peut avancer tout doucement avec des taux de croissance proches de zéro. Ou bien faire un grand pas en avant», estime M. Medvedev.

«La deuxième voie n'est pas dépourvue de risques. Mais choisir le premier scénario, avec l'illusion de pouvoir conserver ce qui a déjà été acquis, est encore plus dangereux. C'est la voie directe vers la perte. Le chemin vers le gouffre», avertit-il.

Pour y parvenir, le premier ministre appelle à concentrer les efforts sur le développement des petites et moyennes entreprises grâce à des mesures de soutien, à accroître la productivité et à améliorer le climat des affaires.

Mi-septembre, il avait déjà annoncé que le gouvernement et les entreprises publiques devraient faire des sacrifices budgétaires pour compenser le ralentissement de la croissance.

Dans son discours prononcé un peu plus tard, il a appelé à mettre fin à «la politique visant à conserver les emplois à tout prix» et à supprimer les emplois «inefficaces».

Dans sa tribune, M. Medvedev, qui fut président de 2008 à 2012, ne mentionne à aucun moment Vladimir Poutine, son mentor qui lui a précédé puis succédé au Kremlin.

Ce dernier, jusqu'à l'an dernier, fixait comme objectif à la Russie d'atteindre une croissance annuelle de 5 % pour pouvoir moderniser le pays.

Mais les autorités russes ont dû faire le constat amer que ce chiffre était pour l'heure trop ambitieux pour les années à venir. En août, le gouvernement a abaissé sa prévision de croissance pour 2013 à 1,8 %, reconnaissant que le pays entrait en «stagnation».

De nombreux analystes jugent que M. Poutine, qui a joui lors de ses deux premiers mandats présidentiels (2000-2008) d'un âge d'or, avec des taux de croissance insolents, avait manqué l'occasion de lancer des réformes de fond.

Cette semaine, le Fonds monétaire international, la Banque Mondiale et l'agence de notation Standard and Poor's ont fustigé tour à tour l'absence de réformes structurelles en Russie, en dépit des appels répétés en ce sens lancés aux autorités russes depuis des années.

Les institutions occidentales ont notamment souligné dans leurs rapports que la faiblesse des investissements était un obstacle majeur à une reprise vigoureuse dans le pays.