La Banque mondiale a déjà pris en 2013 plus de sanctions contre des entreprises et individus soupçonnés de malversations (corruption, fraude...) que les sept précédentes années cumulées, selon une étude d'un cabinet privé.

Mastodonte du développement, l'institution a placé 252 entités sur sa «liste noire» entre janvier et juillet contre seulement 247 entre 2006 et 2012, indique le cabinet d'expertise juridique Freshfields Bruckhaus Deringer dans un rapport obtenu lundi par l'AFP.

«Ces chiffres reflètent la réalité tragique qu'une grande part de l'aide envoyée aux pays les plus pauvres est détournée», indique ce rapport, évoquant le chiffre de 40 milliards de dollars sur les sept dernières années.

La majeure partie des sanctions frappe des entreprises issues des pays riches et associées à des projets de développement au Sud. Le Canada abrite le plus d'entités actuellement placées sur la liste noire de la Banque mondiale (119), suivi des États-Unis (46) et de l'Indonésie (43), indique ce rapport qui n'a pas été commandité par l'institution basée à Washington.

En avril, la Banque mondiale (BM) a ainsi exclu le géant de la construction canadien SNC-Lavalin et ses filiales de tout contrat pour une période de dix ans en raison de fraudes sur la construction d'un pont au Bangladesh. Le chantier, d'un montant de 3 milliards de dollars, est pour l'heure suspendu.

D'après le rapport, cinq secteurs d'activités (santé, transports, agriculture, eau et énergie) comptent pour plus des deux tiers des sanctions prises par la Banque mondiale à travers le globe, notamment en Afrique qui concentre «environ» un tiers des investigations menées par l'institution.

Le rapport relève également que plusieurs entreprises ciblées par la Banque ont conclu avec l'institution des accords précisant le périmètre des sanctions et prévoyant parfois le paiement de pénalités.

Deux filiales du groupe français Alstom ont ainsi dû restituer 9,5 millions de dollars et sont exclues de tout contrat avec la Banque mondiale jusqu'en février 2015 pour des «paiements déplacés» en Zambie.

La filiale russe de l'allemand Siemens est, elle, sur la liste noire de la Banque depuis 2009 et a dû verser 100 millions de dollars pour soutenir la lutte contre la corruption.

Interrogée par l'AFP, la Banque mondiale, qui décline toute «responsabilité dans les conclusions du rapport», a défendu sa pratique consistant à dévoiler le nom des entreprises sanctionnées.

«La publication du nom des entités sanctionnées vise à promouvoir des règles de transparence et aussi à envoyer un message fort aux entreprises: la Banque mondiale prend au sérieux les faits de corruption affectant ses projets», a déclaré une porte-parole de l'institution.