La Commission européenne a adressé lundi une communication de griefs à 13 grandes banques européennes et américaines soupçonnées de s'être entendues pour empêcher des concurrents d'opérer sur le marché des produits dérivés de crédit (CDS) ou pour retarder leur entrée sur ce marché.

Sont concernés les établissements Bank of America Merrill Lynch, Barclays, Bear Stearns, BNP Paribas, Citigroup, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, HSBC, JP Morgan, Morgan Stanley, Royal Bank of Scotland, UBS, ainsi que le premier fournisseur d'informations financières sur le marché des CDS, Markit, et l'association internationale des dérivés (ISDA), indique la Commission dans un communiqué.

«Ce serait inacceptable si des banques ont collectivement bloqué des échanges pour protéger leurs revenus dans le secteur des dérivés de crédit négociés de gré à gré», a estimé le commissaire européen chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia, cité dans un communiqué.

Gardienne de la concurrence en Europe, la Commission européenne avait ouvert une enquête à ce sujet dès avril 2011, alertée par les opérateurs boursiers Deutsche Börse et Chicago Mercantile Exchange qui voulaient entrer sur le marché des CDS entre 2006 et 2009 et les échanger sur des Bourses dédiées.

Les deux opérateurs n'avaient pu finalement obtenir les données nécessaires pour échanger des CDS auprès du cabinet Markit et de l'ISDA, qui auraient agi à la demande de plusieurs grandes banques.

Les établissements mis en cause auraient agi ainsi pour que leurs revenus ne pâtissent pas de la décision de négocier des CDS sur des marchés financiers, et non plus de gré à gré. Une banque d'investissement agit généralement comme intermédiaire sur le marché des dérivés de crédit, quand ils sont négociés de gré à gré.

«Si ces faits sont confirmés, ils constituent une violation importante des règles de la concurrence», a souligné lundi M. Almunia. Dans ce cas, les entreprises mises en cause risquent une amende pouvant aller jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires annuel et au niveau mondial.

L'envoi d'une communication des griefs ne préjuge toutefois pas du résultat final de l'enquête. Il s'agit d'une nouvelle étape après l'ouverture d'une enquête.

Initialement, 16 banques étaient visées. «Au vu des éléments du dossier, nous n'avions pas de raisons suffisantes de formuler des griefs contre certaines banques, à savoir Commerzbank, Société Générale, Crédit Agricole et Wells Fargo», a précisé Antoine Colombani, le porte-parole de M. Almunia. «D'autre part, l'enquête nous a amenés à retenir des griefs contre Bear Stearns, qui au départ n'était pas concernée par l'enquête», a-t-il ajouté.

Les CDS («credit default swap») sont des titres financiers dérivés liés à des crédits, censés servir d'assurance si l'emprunteur concerné fait défaut. Ils sont dans le collimateur des autorités dans plusieurs pays car ils font l'objet de transactions de gré à gré, donc peu transparentes, et ont beaucoup été utilisés comme outils spéculatifs pendant et après la crise.

Aux États-Unis, un fonds de pension a initié une plainte en nom collectif début mai contre 12 grandes banques, disant lui aussi avoir été lésé par un cartel concernant le marché des CDS. La société Markit et l'ISDA sont là aussi mises en cause.

Environ, 2 millions de CDS sont en circulation, représentant 10 000 milliards d'euros à travers le monde.

L'annonce faite ce lundi survient alors que l'UE oeuvre pour rendre les marchés plus transparents et tourner la page de la crise de 2008 en réglementant les dérivés. «Certains des faits ont eu lieu avant la crise financière de 2008, d'autres après. La crise a entre autres été causée par des risques systémiques. Des risques de ce type sont intrinsèques aux échanges de gré à gré: si une banque fait faillite, les autres sont rapidement fragilisées», a rappelé lundi M. Almunia.