L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, au coeur du plus gros scandale de l'ère Hollande, répond mercredi aux questions des députés sur ce que savait le gouvernement de son compte caché à l'étranger en dépit de ses mensonges répétés à chacun des acteurs concernés.

L'ancien orateur vedette de l'Assemblée nationale reviendra à cette occasion pour la première fois au Palais Bourbon, après avoir abandonné son siège de député sous les lazzi mi-avril.

Cette audition devant la commission d'enquête parlementaire sur d'éventuels dysfonctionnements de l'État entre les révélations de Mediapart le 4 décembre 2012 et les aveux de M. Cahuzac le 2 avril 2013 sera également sa première intervention publique depuis son mea culpa télévisé, le 16 avril.

Grave et contrit, il avait évoqué dans cet entretien retransmis par BFM-TV sa «part d'ombre» et avait reconnu avoir «commis une folle bêtise, une folle erreur», affirmant qu'il n'aurait pas dû accepter en mai 2012 le poste de ministre délégué au Budget que lui proposait François Hollande.

Mais il s'était montré moins disert pour mettre hors de cause le chef de l'État ou son ministre de tutelle, à l'Économie, Pierre Moscovici. À propos de M. Hollande, il s'était borné à dire: «j'ignore quel était son niveau de connaissance de cette affaire. Ce que je veux dire, c'est que à lui, comme au premier ministre, comme à Pierre Moscovici, je n'ai pas dit la vérité».

C'est pourtant sur ce que pouvait savoir Bercy, le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice, ainsi que Matignon et l'Élysée bien sûr que la commission enquête.

«Notre mission est de savoir s'il y a eu entre le 5 décembre et le départ de Jérôme Cahuzac (du gouvernement, le 19 mars, ndlr), dans le cheminement de l'État, des dysfonctionnements ou non et savoir si telle ou telle décision aurait entravé le travail de la justice», a expliqué à l'AFP le rapporteur de la commission, le socialiste Alain Claeys.

L'ancien ministre «est resté acteur de l'appareil de l'État, il sera intéressant d'avoir son sentiment, son analyse sur ce qui s'est passé durant cette période», a-t-il estimé.

Muraille de Chine

Et ceci même si une «muraille de Chine» avait été érigée avec l'administration fiscale dès le 10 décembre empêchant le ministre du Budget d'avoir la moindre information sur l'enquête administrative le concernant menée par la Direction générale des Finances publiques.

La commission cherche notamment à savoir si cette enquête a été menée avec suffisamment de diligence et sans complaisance pour M. Cahuzac, étant donné la gravité des accusations de Mediapart.

Le député a rappelé que l'instance n'était «ni juge ni procureur» et ne se substituait pas à l'action judiciaire, mais que les personnes auditionnées s'exprimaient néanmoins sous serment. Des informations découvertes dans le cadre de ce type d'auditions peuvent être transmises à la justice.

Présidée par le centriste Charles de Courson, la commission a déjà auditionné depuis le 21 mai nombre de hauts fonctionnaires de Bercy, les directeurs de cabinet de Jérôme Cahuzac et du ministre de l'Économie Pierre Moscovici, mais aussi Fabrice Arfi, le journaliste qui a révélé l'histoire, et le directeur de Mediapart, Edwy Plenel.

Parallèlement, plusieurs acteurs locaux ont également été entendus, notamment Michel Gonelle, battu par Jérôme Cahuzac aux municipales de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) en 2001, mais aussi l'ancien juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguières, candidat malheureux contre M. Cahuzac aux législatives de 2007.

Tous deux ont été en possession de l'enregistrement qui a constitué la pièce centrale du dossier et dans lequel on entend une voix attribuée à M. Cahuzac évoquer un compte secret à l'UBS, qu'il qualifie de «pas la plus planquée des banques». Entendu le premier jour des auditions de la commission, M. Gonelle doit être à nouveau entendu début juillet, après avoir été contredit à plusieurs reprises par d'autres témoins.

Les ministres de l'Économie, Pierre Moscovici, de la Justice Christiane Taubira et de l'Intérieur Manuel Valls devraient être auditionnés «après le 14 juillet», a assuré M. Claeys à l'AFP, en précisant que les dates n'étaient pas encore complètement calées.

Le rapport de la commission doit être rendu au mois de septembre.