David Cameron veut mener une guerre internationale contre la fraude fiscale. La City demeure pourtant l'un des leaders mondiaux en la matière et aucun durcissement concret n'y a été enregistré.

«Si vous êtes payés par un employeur étranger, pourquoi n'ouvrez-vous pas un compte à Jersey ou à Guernesey par l'entremise de notre groupe? Cela vous permettra d'éviter de déclarer votre argent et de payer des impôts.»

Cette scène s'est déroulée il y a quelques mois dans les bureaux d'une succursale d'une grande banque britannique. Elle ne rend pas très crédibles les récentes déclarations du premier ministre David Cameron, qui assure vouloir faire du combat contre l'évasion fiscale l'un des principaux thèmes de la prochaine réunion du G8, les 17 et 18 juin en Irlande du Nord, après en avoir déjà longuement parlé lors de la conférence de presse du G7 des ministres des Finances, le week-end dernier dans l'est de Londres.

À la suite des accusations venues d'Autriche selon lesquelles les îles Anglo-Normandes, les îles Caïmans et les îles Vierges servent de centres de blanchiment d'argent, le gouvernement britannique a entamé des négociations avec Jersey et Guernesey pour la signature d'un accord d'échange automatique, comme celui signé en décembre avec l'île de Man. Possessions de la Couronne britannique, ces deux îles ne sont intégrées ni au Royaume-Uni ni à l'Union européenne, ce qui leur accorde une marge de manoeuvre légale certaine.

«Les autorités britanniques brassent beaucoup de vent à propos de l'évasion fiscale, mais déplacer son argent non déclaré dans des comptes bancaires britanniques ne pose toujours aucune difficulté, nous assure un banquier. Ce n'est plus le cas, par exemple, des banques françaises qui sont devenues bien plus suspicieuses et inquisitrices sur la provenance de fonds inconnus.»

Un avis confirmé par l'employé d'une banque privée, qui désire lui aussi rester anonyme. «Au cours des dernières années, la City de Londres s'est avérée le plus grand récepteur mondial de fonds non déclarés. Cela confirme que toute cette histoire de secret bancaire n'est qu'une bataille économique pour les parts de marché du secteur, le Royaume-Uni et les États-Unis étant les centres mondiaux de l'évasion fiscale.»

Cela n'empêche pas les médias de poursuivre leur intense pression sur les dirigeants politiques britanniques. Le responsable des finances, George Osborne, a ainsi annoncé la semaine dernière que le département responsable de la perception des impôts étudie depuis plus de trois ans avec ses homologues américains et australiens 400 gigaoctets de données, soit l'équivalent de 200 camions remplis de feuilles A4, reçues de la part d'un tireur d'alarme sur des montages financiers ayant permis à des milliers de personnes de ne pas déclarer une partie de leur fortune.

À ce jour, «plus de 100 individus ont déjà été identifiés comme ayant bénéficié de ces structures» et des enquêtes sont menées à l'encontre de plus de 200 comptables, avocats et autres conseilleurs dont les noms figurent dans ces documents. «Le message est simple, a assuré le chancelier de l'échiquier: si vous esquivez les impôts, nous vous poursuivrons.» Et de fait, un financier spécialisé dans l'évasion fiscale estime que «l'avenir de l'industrie n'est plus en Europe, où la pression s'intensifie. Singapour est en revanche bien placé pour remporter la mise».

L'évasion fiscale coûte chaque année entre 15 et 69,9 milliards de livres sterling à l'État britannique, selon des estimations respectives de l'Autorité nationale des fraudes et de l'organisation non gouvernementale belge Tax Justice Network. En comparaison, les fraudes aux prestations sociales (chômage, logement, handicap, etc.) s'élèvent à 1,1 milliard de livres sterling.