Devant la volonté du Qatar de déraciner l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), les autorités canadiennes doivent se ressaisir et corriger rapidement les lacunes soulevées par son personnel, croit Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Avec le temps, on s'est mis à tenir un peu pour acquises les organisations internationales qu'on a. L'OACI est là depuis 1947. Elle a toujours renouvelé sa présence ici. La tentation, c'est de penser qu'on n'a rien à faire et qu'elle va toujours rester», a lancé M. Leblanc au cours d'un entretien téléphonique hier.

Celui-ci suggère que Montréal imite New York, où se trouve le siège des Nations unies, et mette sur pied un comité regroupant gouvernements et organisations internationales afin de résoudre rapidement les irritants qui affectent les diplomates.

La Presse Affaires a révélé hier que le Qatar venait de déposer une offre pour installer le siège de l'OACI à Doha à partir de 2016, date à laquelle les accords avec Ottawa et Québec expirent. Pour être adoptée, la proposition devra être appuyée par 60% des 191 pays membres à la prochaine assemblée triennale de l'OACI, l'automne prochain.

Dans sa présentation faite aux dirigeants de l'organisation, lundi, le petit émirat a souligné à gros traits des «insatisfactions» rapportées par certains employés au fil des ans. Parmi ces insatisfactions, on note les impôts et les taxes prélevés auprès du personnel de l'OACI et la difficulté d'obtenir un remboursement pour la portion prévue dans le cadre des ententes d'exemption.

Une offre attirante

De plus, le Qatar offre à l'OACI d'assumer la totalité des dépenses d'exploitation liées à l'immeuble abritant son siège, alors que le Canada et le Québec n'en couvrent actuellement que 80%. On promet également une exemption totale d'impôts et de taxes, et ce, tant pour l'OACI que pour son personnel.

Le ministre des Relations internationales du Québec, Jean-François Lisée, s'est montré prêt, hier, à réexaminer les avantages consentis à l'OACI, tout en rappelant que des bonifications ont été offertes récemment. L'an dernier, par exemple, Québec a adopté un décret prévoyant le versement d'une subvention de 29,3 millions à l'OACI d'ici 2027.

M. Lisée et son homologue fédéral, John Baird, ont téléphoné hier au maire de Montréal, Michael Applebaum, afin d'élaborer une stratégie visant à mettre en évidence les «avantages» de Montréal.

Selon Montréal International, la soixantaine d'organisations internationales présentes dans la métropole emploient environ 1500 personnes et effectuent des dépenses annuelles totalisant 280 millions.

«On peut facilement comprendre que ça intéresse plusieurs pays partout dans le monde, parce que des organisations internationales, ça a des impacts sur le rayonnement d'une métropole, en plus des retombées économiques», affirme Jacques Saint-Laurent, PDG de Montréal International.

La France appuie Montréal

Très peu de pays ayant une représentation permanente à l'OACI ont voulu se prononcer sur l'offre du Qatar hier. Les représentants des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Chine, de l'Inde et de la Russie, entre autres, n'ont pas rappelé La Presse Affaires. La France a toutefois joint sa voix à celle de la Belgique pour défendre Montréal.

«Nous sommes très attachés au maintien du siège de l'OACI à Montréal», a déclaré le représentant permanent du pays, Michel Wachenheim, au cours d'un entretien téléphonique.

L'Association du personnel de l'OACI, qui est en quelque sorte le syndicat des employés, n'a pas réagi. L'avocat André Sirois, qui représente des fonctionnaires et des syndicats onusiens, a toutefois soulevé des questions sur l'opportunité de déménager le siège de l'OACI dans un pays où le système de justice n'offre pas les mêmes protections qu'au Canada.