Les Européens se sont emparés de la lutte contre l'évasion fiscale et sont de plus en plus nombreux à vouloir s'attaquer au secret bancaire, malgré des résistances encore fortes au sein de l'UE, notamment de la part de l'Autriche.

Ce sujet a dominé les discussions des ministres des Finances samedi à Dublin et sera au menu du sommet des chefs d'État et de gouvernement en mai.

«Le regain d'appétit des États membres en faveur de progrès et d'action pour combattre l'évasion fiscale est extrêmement bienvenu», s'est félicité samedi le commissaire européen chargé de la Fiscalité, Algirdas Semeta. Il espère que la prochaine réunion des ministres des Finances européens en mai «débouche sur des résultats qui seront présentés aux dirigeants» de l'UE le 22 mai.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, avait affirmé qu'il fallait «saisir l'élan politique actuel» pour éradiquer un fléau qui fait perdre chaque année 1000 milliards d'euros à l'Europe.

M. Semeta espère en particulier un accord sur une loi européenne en cours de révision et en souffrance depuis 2008: la directive épargne. Celle-ci prévoit l'échange automatique d'informations sur les intérêts versés à des personnes physiques non résidentes. La Commission souhaite en étendre le champ d'application et la renforcer.

À la suite des révélations du Offshoreleaks sur des détenteurs de comptes dans des paradis fiscaux, les cinq plus grands pays de l'UE --France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne et Italie-- ont écrit cette semaine à la Commission européenne pour réclamer une nouvelle législation. La Pologne les a rejoints vendredi. Trois autres pays, les Pays-Bas, la Belgique et la Roumanie s'y sont associés, a annoncé samedi M. Semeta.

Ces neuf pays souhaitent la mise en place d'une législation sur le modèle du Fatca américain, qui permet d'obtenir toutes les informations sur tous les comptes bancaires, les placements et les revenus à l'étranger de tous les contribuables américains.

Pour le ministre français, Pierre Moscovici, «un vent souffle dans l'UE pour lever les opacités, les obstacles que peut receler le secret bancaire».

Le but des neuf pays est de rallier à leur cause le reste des 27, toute décision concernant la fiscalité en Europe nécessitant l'unanimité. Mais rien ne les empêche de mettre en place entre eux un équivalent du Fatca sans attendre l'adoption de nouvelles règles européennes, a estimé à l'AFP une source européenne proche du dossier.

«Comme pour la taxe sur les transactions financières, comme pour tout ce qui doit être à 27, l'idée c'est de commencer avec un petit groupe, puis ça entraîne le mouvement», a résumé une source diplomatique, d'autant que ce thème sera aussi abordé lors des prochaines réunions du G8 et du G20.

En Europe, un changement est déjà perceptible: sous pression de ses partenaires européens et surtout des États-Unis, le Luxembourg vient d'accepter de lever partiellement le secret bancaire en se ralliant à l'échange automatique de données bancaires pour les particuliers à partir de 2015, notamment sur les revenus de l'épargne.

Reste le bastion autrichien: le chancelier social-démocrate Werner Fayman s'est dit prêt à négocier la levée du secret bancaire pour les résidents étrangers, mais sa ministre des Finances, la conservatrice Maria Fekter, reste inflexible. Elle a répété samedi qu'elle «se battrait pour le secret bancaire».

Les partenaires de l'Autriche ne désespèrent pas pour autant de rallier ce pays. «Je pense qu'on va, en Europe, décider relativement vite d'élargir le champ d'application de la directive épargne et que tous les États membres vont y participer», a déclaré samedi le ministre allemand, Wolfgang Schäuble. «Il semble qu'un mouvement rapide se crée pour éliminer l'évasion fiscale, où que ce soit», a renchéri son homologue irlandais, Michael Noonan, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.

Alors que tous les regards sont tournés vers Vienne, Mme Fekter s'est empressée de rappeler que le Royaume-Uni «a de nombreux paradis fiscaux sous sa juridiction directe». Et de citer «les îles anglo-normandes, Gibraltar, les îles Caïmans, les îles vierges» britanniques, qui sont selon elle «les vrais points chauds du blanchiment d'argent et de l'évasion fiscale».

Le Britannique George Osborne a reconnu que combattre l'évasion fiscale constituait «un défi», tout en estimant que les endroits permettant d'échapper à l'impôt «sont de plus en plus rares et de plus en plus petits». Il a souligné que son gouvernement négociait avec les territoires en question pour tenter de les convaincre de mettre fin à l'opacité bancaire.