Assise sur les plus grandes réserves pétrolières du monde, l'Arabie saoudite veut se distancer de l'or noir en misant de plus en plus sur l'énergie solaire. Et cette fois, le monde est invité à participer à ce projet ambitieux qui, à coups de milliards, confirme qu'un virage vert s'amorce au Moyen-Orient et dans le nord de l'Afrique.

L'IRENA (International Renewable Energy Agency), une société étatique du royaume arabique, a lancé une invitation à toute la planète juste avant Noël: on cherche des investisseurs pour aider à financer un mégaprojet de 109 milliards US qui fournira le tiers de l'électricité de l'Arabie saoudite d'ici 2032.

Le hic: votre argent ne servira pas à ériger des installations pétrolières, dont la rentabilité est assurée, mais à meubler un vaste territoire de rutilants panneaux solaires. Autrement dit, c'est une aventure risquée, vu les ratés du solaire sur le plan économique dans certains pays, notamment aux États-Unis.

C'est sans oublier que le plus grand pays arabe caresse aussi des projets majeurs dans l'énergie thermique «verte», laissant croire que les cheikhs du pétrole redécouvrent une autre richesse sur leur vaste territoire: le soleil.

L'Arabie saoudite produit aujourd'hui son électricité à partir du pétrole et du gaz naturel, qui alimentent des centrales polluantes et peu efficaces. Or, la demande en électricité augmente de 8% par an dans ce pays de 25 0 millions d'habitants - une population qui croît de 3% annuellement.

Le richissime royaume, qui utilise le tiers de sa production pétrolière pour ses besoins domestiques (électricité, production d'eau potable, etc.), tient à conserver son brut précieux pour l'exportation - lequel rapporte 86% des revenus de l'État. D'où le grand intérêt pour l'énergie solaire.

La Mecque du solaire

Le gouvernement saoudien s'est fixé pour objectif de produire 41 gigawatts par an (41 000 mégawatts) d'énergie solaire d'ici 20 ans - une production pouvant éclairer 7 millions de maisons représentant le tiers de la consommation domestique. Et les Saoudiens ne sont pas seuls à croire au pouvoir du soleil.

Selon un porte-parole de l'IRENA, il y a déjà quelque 30 chantiers majeurs d'énergie solaire en préparation ou en construction au Moyen-Orient, en Inde ou dans le nord de l'Afrique.

« [Nous] croyons que les pays émergents ont changé de cap pour miser davantage sur de nouvelles sources d'énergie», affirme l'organisme dans un communiqué. Voici quelques-uns de ces projets:

- L'émirat d'Abou Dhabi, qui possède déjà la plus grande installation de panneaux solaires au Moyen-Orient, est en voie de compléter une usine thermique-solaire de 100 mégawatts. Celle-ci utilisera des miroirs pour concentrer les rayons du soleil et ainsi réchauffer l'eau servant à faire tourner des turbines pour la production d'électricité;

- Dans le but d'assurer sa sécurité alimentaire, le Qatar bâtit actuellement - en plein désert - d'immenses fermes qui seront approvisionnées en eau par des usines de dessalement fonctionnant à l'énergie solaire;

- Le groupe britannique Blue Energy vient de confirmer qu'il construira une centrale solaire au Ghana, un projet de 400 millions US qui, à son entrée en service en 2015 dans cette économie en forte croissance, sera la plus grande installation du genre en Afrique;

- L'Algérie et le Maroc sont aussi très actifs dans la filière solaire, s'étant joints au consortium international Desertec, dont l'ambition, malgré de récentes désaffections parmi ses actionnaires, est de produire d'ici 2050 quelque 125 gigawatts d'électricité pouvant être exportée jusqu'en Europe.

Un autre projet que les experts surveilleront de près cette année se trouve à nouveau en Arabie saoudite, plus précisément à La Mecque - la ville sacrée que visitent chaque année des millions de musulmans.

Les autorités de la ville doivent choisir ces jours-ci les gagnants d'un appel d'offres international qui vont construire et exploiter une centrale de 385 mégawatts alimentée par des combustibles renouvelables, dont le tiers en énergie solaire.

«Aucune ville en Arabie saoudite n'a des centrales du genre et nous voulons être les premiers du monde musulman à en avoir une», déclarait récemment à l'AFP le maire de la Mecque, Osama al-Bar.

Vu le puissant caractère symbolique de La Mecque dans le monde arabe, l'industrie solaire est donc promise à un bel avenir au royaume du pétrole. Et le reste du monde veut une place au soleil.

D'autres pays frappent à la porte

Le géant français de l'habitat Saint-Gobain vient de signer un accord pour assister l'Arabie saoudite dans la construction de panneaux photovoltaïques. Les Britanniques, les Allemands et les Chinois frappent aussi à la porte des pays de l'OPEP qui prennent le virage solaire.

Les étrangers ont de bonnes raisons de s'y intéresser: à elle seule, l'Arabie saoudite jouit d'un niveau d'ensoleillement qui est presque trois fois celui de l'Europe, selon une étude de l'Université du Roi Fahd citée par l'agence Bloomberg. Bref, c'est un trésor inexploité.

Des critiques soutiennent que l'Arabie saoudite, en faisant la promotion du solaire, cherche d'abord à redorer son image souillée par le pétrole. C'est possible.

Reste que les investissements à venir dans cette région du monde sont bien réels. Après le Printemps arabe de 2011, on assiste peut-être aux premières manifestations d'une «révolution verte» en plein désert.

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260 milliards US

Investissements mondiaux dans les énergies propres en 2011

109 milliards US

Investissements prévus de l'Arabie saoudite dans l'énergie solaire d'ici 20 ans

50%

Contribution de l'énergie solaire, par rapport à l'ensemble de la demande énergétique, enregistrée en Allemagne lors d'une journée ensoleillée l'an dernier - un record mondial.

Sources: Bloomberg, McKinsey & Company