Il y a des statistiques qui nous font littéralement dresser les cheveux sur la tête. C'est le cas du taux de chômage chez les jeunes en Europe. En Espagne et en Grèce, par exemple, les chiffres indiquent que plus de 50% des jeunes âgés de 15 à 24 ans sont au chômage.

Un jeune sur deux. Vu d'ici, ce chiffre est proprement stupéfiant. Les dernières statistiques du marché du travail au Canada, sorties vendredi dernier, font état de 14,8% de chômeurs chez les jeunes de 15 à 24 ans. C'est un taux élevé, mais trois fois moins qu'en Grèce et en Espagne.

Partout et de tout temps, le taux de chômage des jeunes a été plus élevé que celui des autres catégories d'âge. Ce n'est pas nouveau, mais le marché du travail européen s'est gravement détérioré depuis la crise financière de 2008. Si le taux de chômage des jeunes Espagnols dépasse les 50%, c'est que le taux de chômage total en Espagne est de 25%. En Italie, en Espagne et au Portugal, le taux de chômage des jeunes atteint aussi des sommets à plus de 30%.

La situation est assez grave pour parler d'une génération sacrifiée de jeunes Européens et pour se péter les bretelles, de ce côté-ci de l'Atlantique, pour la bonne performance relative du marché de l'emploi au Canada et aux États-Unis.

La réalité est plus complexe, comme le souligne Francis Fong, économiste de la Banque TD, dans une analyse comparative des marchés du travail européens et nord-américains.

Le taux de chômage mesure seulement le nombre de personnes à la recherche d'un emploi dans la population active. Le chiffre qui en résulte dépend donc du taux de participation au marché du travail, c'est-à-dire du nombre de personnes qui travaillent ou qui cherchent un emploi parmi la population totale en âge de travailler.

Ainsi, 55% des jeunes Américains et 64% des jeunes Canadiens sont sur le marché du travail. En Espagne, ce taux est de 39,5% et en Grèce, il n'est que de 29,3%. Les autres jeunes Grecs et Espagnols qui ne sont pas à la recherche d'un emploi peuvent aussi bien être totalement désoeuvrés, qu'étudiants à plein temps à l'université. Les statistiques du chômage ne le disent pas. S'ils sont plus nombreux que les jeunes Américains à être encore sur les bancs de l'école, alors, leur sort n'est pas si désespéré que leur taux de chômage le laisse croire.

Pour mieux comparer la situation des jeunes en Europe et en Amérique du Nord, il faut plutôt regarder le nombre de jeunes chômeurs en proportion du nombre total de jeunes. L'économiste de la TD a fait l'exercice et le résultat est infiniment moins dramatique que l'indiquent les statistiques officielles du chômage.

En considérant le nombre de jeunes sans emploi en pourcentage du nombre total de jeunes dans le pays, le nombre de jeunes chômeurs en Grèce baisse à 15,5%. Au Canada, le calcul donne 8,8% de jeunes au chômage, un écart bien moindre que celui mesuré par le taux de chômage, qui est de 50% pour la Grèce comparativement à 14, 8% pour le Canada.

L'exercice montre bien les limites du calcul du taux de chômage. Il indique néanmoins que le problème du chômage chez les jeunes est bien réel. Et il ira en s'aggravant partout dans le monde, selon l'Organisation internationale du travail, l'organisme des Nations unies à Genève, à mesure que les problèmes des économies industrialisées se répercuteront sur celles des pays émergents.