La Banque centrale européenne (BCE) a abaissé jeudi son taux directeur pour le ramener à un creux historique (de 0,75%). Le but de l'opération: relancer l'économie de la zone euro sur fond de crise de la dette.

Cet assouplissement de la politique monétaire suivait des décisions similaires, annoncées plus tôt dans la journée, par la Banque d'Angleterre et la Banque populaire de Chine

Le repli des taux européens intervient après le sommet de la zone euro, une semaine auparavant, qui a été marqué par plusieurs décisions visant à empêcher une aggravation de la crise en Espagne et en Italie.

Or, malgré ces efforts louables au plan économique, la BCE et les leaders européens continuent d'esquiver un autre problème, moins médiatisé, mais plus profond et probablement plus menaçant que la récession: le vieillissement rapide de la population.

En Italie, par exemple, le nombre de personnes en âge de travailler représente à peine 50 % de la population. Or, le gouvernement prévoit que la force ouvrière passera sous la barre des 30% en 2030 et sous les 20 % en 2065. Donc beaucoup de personnes âgées et très peu de jeunes pour faire tourner l'économie.

Un pronostic alarmant pour un pays qui n'a plus les moyens d'offrir la pleine gamme de services sociaux à ses citoyens.

Trop de gris

Une enquête récente du Bureau du recensement à Washington nous apprend que le vieillissement s'accélère dramatiquement dans l'ensemble de l'Union européenne.

Ainsi, la proportion de gens de 65 ans et plus en Europe passera de 16,6% actuellement, à 19% en 2020, soit dans huit ans seulement.

Seul le Japon présente un portrait démographique encore plus teinté de gris, avec 24% de sa population composée âgée de plus de 65 ans.

En Espagne, où le chômage touche le quart de la population apte au travail, le gouvernement a vu sa facture pour les prestations de retraite doubler depuis 12 ans. Pourtant, la proportion travailleurs/retraités diminue sans cesse depuis huit ans.

En Grèce, le pays le plus affaibli par la crise financière, la proportion des 65 ans et plus grimpera à 26,7% d'ici 20 ans contre 20,8% actuellement, selon un rapport de Global Demographics cité par l'agence Bloomberg.

On peut imaginer le casse-tête budgétaire que cela peut occasionner pour un pays comme la Grèce, dont la dette nationale dépasse les 160% du PIB (produit intérieur brut) - un niveau d'endettement parmi les plus élevés du monde.

Japonisation

Dans un récent numéro, la revue The Economist sonnait l'alarme en soulignant que le taux de natalité a diminué en 2011 dans 11 des 15 pays européens qui ont dévoilé leur bilan démographique cette année.

Autrement dit, avec de moins en moins d'enfants qui courent dans ses rues, le Vieux Continent n'est pas à la veille de perdre son épithète.

Tout laisse croire que la baisse des naissances en Europe est liée en grande partie à la dégradation de l'économie. Le taux de natalité diminue rapidement depuis 2008, soit depuis l'éclatement de la crise financière américaine qui a mis à mal toute la planète.

Entre-temps, la conjoncture continue de se détériorer. La zone euro va connaître une récession aux deuxième et troisième trimestres 2012, prédisent les instituts de conjoncture français et allemand.

Qui plus est, l'Espagne, la France et l'Italie viennent d'annoncer des compressions budgétaires additionnelles ou sont sur le point de le faire. Rien pour remettre le monde au travail ou remplir les berceaux vides .

Tous ces éléments contribuent aux projections pessimistes dépeignant une zone euro incapable de retrouver une croissance suffisante pour rééquilibrer ses finances.

D'où les craintes d'une «japonisation» de l'Europe: vieillissement de la population, demande intérieure atone, investissements faibles et déflation. Ces facteurs ont caractérisé l'économie nipponne pendant les deux dernières décennies.

On comprend pourquoi des spécialistes de l'investissement, dont Frédéric Rollin, de la banque suisse Pictet Asset Management, préfèrent miser sur les économies émergentes, surtout celles dont la population est jeune.

«Le monde a changé», affirme M. Rollin dans une note financière. Au sujet des pays émergents, il ajoute ceci: «Il ne s'agit plus d'économies essentiellement exportatrices, mais tirées aussi par leurs marchés domestiques en croissance».

C'est assez pour donner d'autres rides aux Européens.