Encore plus de deux semaines avant les élections grecques du 17 juin, les secondes en deux mois.

Plus de deux semaines au cours desquelles resteront vive l'incertitude sur les marchés financiers et élevés les coûts d'emprunts des pays fragilisés par leur récession, comme le Portugal, l'Irlande et surtout l'Espagne dont plusieurs banques croulent sous le poids de mauvaises créances hypothécaires.

D'ici le scrutin, la machine à rumeurs est de nature à contaminer toute lecture cohérente des énormes enjeux que pose le choix démocratique de moins de deux dixièmes d'un pour cent de la population mondiale, responsable de quatre dixièmes d'un pour cent de la production de la planète.

C'est dire à quel point le système financier est interdépendant, imbriqué et vulnérable aux risques de contagion.

À première vue, le Canada paraît bien immunisé contre le ressac d'une sortie volontaire ou d'une expulsion de la Grèce de la zone euro. Nos banques détiennent très peu d'obligations émises par l'État hellène ou par d'autres pays fragilisés par leur dette publique, tels l'Espagne, l'Irlande, l'Italie ou le Portugal.

En revanche, la contagion serait vive au sein de la zone euro, d'abord au sein des banques déjà majoritairement sous-capitalisées, puis des institutions telle la Banque centrale européenne qui détient plusieurs milliards de dette publique des pays qui éprouvent de plus en plus de difficultés à se financer sur les marchés.

Au premier rang desquels figure l'Espagne, quatrième économie de l'Eurogroupe, dont les coûts d'emprunt se rapprochent de la barre des 7%, seuil qui a forcé déjà la Grèce, le Portugal et l'Irlande à réclamer un plan de sauvetage de l'Union européenne et du Fonds monétaire international. Heureusement, la dette espagnole est relativement moins élevée que celle des trois autres.

N'empêche. La contagion aggraverait à coup sûr une récession continentale qui s'annonce déjà plus sévère que d'aucuns l'ont prévu.

Il en résulterait un ralentissement des économies émergentes, ses principaux fournisseurs. Les prix des biens de base, tels les métaux, les engrais et les hydrocarbures, baisseraient, entraînant dans leur sillage la Bourse canadienne et le huard.

L'économie canadienne ralentirait à son tour, alors que les ménages sont très (trop) endettés et que le marché de l'habitation est sans aucun doute un peu surévalué, en particulier dans les grandes villes.

Jusqu'ici, les sondages les plus récents accréditent la thèse que les Grecs tiennent avant tout à demeurer à l'intérieur de la zone euro, même s'ils détestent la médecine de cheval que cela suppose.

Le parti Nouvelle Démocratie (centre droit) est encore en tête, comme aux élections du mois dernier. Le Pasok (socialiste), qui a terminé troisième, gruge quelques points au parti Syriza qui avait causé la surprise en finissant deuxième, grâce à une virulente campagne contre les mesures d'austérité conditionnelles au deuxième sauvetage de l'Union européenne.

Ce sauvetage avait été approuvé par la Nouvelle Démocratie et le Pasok, qui s'étaient aussi engagés à mettre en oeuvre les mesures imposées par les bailleurs de fonds.

D'où leur score décevant aux dernières élections où le taux d'abstention a été très élevé: il leur manquait le mois dernier deux députés pour obtenir la majorité leur permettant de former un gouvernement de coalition dédié à la mise en place du plan de sauvetage.

Allié jusque là du Syriza dont il est issu, la petite formation Gauche démocratique exige désormais du Syriza son engagement à militer pour rester dans la zone euro, comme gage de sa participation à une éventuelle coalition avec lui. Cela renforce la possibilité que la Grèce demeure dans la zone euro, à court terme du moins.

Son économie est cependant tellement mal en point que sa sortie est de plus en plus évoquée, ce qui accroît la nervosité des intervenants des marchés et celle des Grecs eux-mêmes, toujours plus nombreux à retirer leurs dépôts des banques grecques qui saignent de manière inquiétante au profit des allemandes qui regorgent de liquidités.

Ces déséquilibres grandissants menacent désormais la croissance au sein de même de la première puissance de la zone euro. Au point où, semble-t-il, la chancelière Angela Merkel est moins réticente à des suggestions autres que des plans d'austérité...