L'inculpation et l'incarcération du directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn (DSK), à New York pour délits sexuels graves compromettent beaucoup les minces chances de la Grèce d'échapper à la restructuration de sa dette.

À terme, elle aggravera sans aucun doute les tensions au sein de l'eurogroupe qui doit aussi se porter au chevet de l'Irlande et du Portugal, deux pays aux prises également avec d'immenses difficultés à financer leur dette.

DSK, qui parle couramment l'allemand, devait rencontrer dimanche la chancelière Angela Merkel pour assurer son adhésion à un nouveau plan d'aide à la république hellène. La plus puissante des économies de la zone euro est très réticente à se porter encore garante d'un nouveau sauvetage.

Ce tête-à-tête représentait l'ultime élément de préparation au sommet de l'Union européenne et du FMI qui s'ouvrait hier après-midi à Bruxelles. Le premier ministre grec, Georges Papandréou, devait y plaider des mesures d'étalement de sa dette, un peu semblables à celles qu'a pu arracher dernièrement le Portugal, troisième pays de la zone euro qui a dû appeler le FMI à son secours et pour lequel DSK a toujours répondu présent.

Fin stratège

Le directeur général du FMI est réputé fin stratège et as négociateur, au-delà de sa renommée de chaud lapin. C'est grâce à son intervention habile et énergique en mai 2010 que la Grèce a évité la faillite.

Même si l'arrivée du FMI était vue comme une honte par les pays européens, DSK a pu arracher au forceps la mise en place jusqu'en 2013 du Fonds européen de stabilité financière (FESF) en plaidant qu'il y allait de l'avenir même de la monnaie unique. Il en avait été un des artisans à titre de ministre français des Finances lors de son lancement, en 1999. Le FESF est doté d'une puissance de feu de 750 milliards d'euros, dont 250 milliards garantis par le FMI. La Grèce y a déjà recouru à hauteur de 110 milliards, dont le tiers avancé par le FMI, en contrepartie d'un étouffant plan d'austérité budgétaire.

Coûts d'emprunts à la hausse

Ce plan devait ramener le déficit grec à l'équivalent de 7,4% de son produit intérieur brut (PIB). Or, la projection actuelle montre que ce sera au mieux 9,5%, ce qui a pour effet de pousser à la hausse les coûts d'emprunts d'Athènes. Pour un prêt de 10 ans, la Grèce devrait consentir ces jours-ci un rendement de 15,58%, un taux insoutenable, mais qui est néanmoins meilleur marché que les 24,79% exigés par les prêteurs pour un prêt de 2 ans.

Une défaillance de la Grèce aurait pour effet de dévaloriser d'au moins 20% les créances des prêteurs, qui sont en bonne partie des banques européennes. D'où le risque de contagion d'une défaillance de la Grèce sur tout le système bancaire de la zone euro déjà très ébranlée par la crise financière récente. Des géants comme Deutche Bank ou Société Générale ont maximisé l'effet de levier. Toute dépréciation des obligations souveraines grecques qu'elles détiennent affaiblirait d'autant leur capitalisation.

C'est cette contagion que veulent à tout prix éviter les pays membres de l'eurogroupe, la Banque centrale européenne et le FMI à la sauce DSK. C'est du danger de cette contagion que DSK voulait convenir avec Mme Merkel, aux prises avec d'importantes dissensions dans son pays alors qu'elle fait face à des échéances électorales.

Problème de succession

En l'absence de DSK, ce n'est pas l'Américain John Lipsky, numéro 2 du FMI désormais DG intérimaire au plus tard jusqu'à la fin de son mandat le 31 août, qui occupe le fauteuil de l'institution à Bruxelles, mais Nemat Shafik, dépêchée d'urgence. Cette économiste d'origine égyptienne a surtout fait carrière à la Banque mondiale, organisation soeur du FMI orientée sur l'assistance aux pays en voie de développement.

Sans remettre en cause les compétences de M. Lipsky ou de Mme Shafik, force est de constater qu'ils n'ont pas la sensibilité européenne de DSK ni ses rapports privilégiés avec M. Papandréou, compagnon de route de longue date.

Il avait fallu beaucoup de doigté et de tractations par les Européens pour imposer DSK à la tête du FMI. Son prédécesseur, l'Espagnol Rodrigo de Rato, devait être le dernier Européen à ce poste, les pays émergents réclamant que leur tour soit venu. C'est son départ précipité en 2007 qui aura fourni une chance inespérée à DSK.

Dans sa chute, DSK aura aussi précipité la fin de l'hégémonie des Européens à la tête du FMI, à leur plus grand dam.