Les 21 membres du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) se rencontrent samedi et dimanche à Yokohama, ville portuaire voisine de la capitale japonaise, Tokyo. Au menu: des discussions sur le libre-échange, le protectionnisme et l'immigration illégale, sur fond de disputes régionales... Et quelques anecdotes. En voici un aperçu.

Pas d'habits traditionnels

La tradition avait démarré en 1993, lorsque le président américain Bill Clinton avait offert à ses homologues des manteaux d'aviateurs pour la traditionnelle «photo de famille». Depuis, les leaders ont porté des ponchos, des chemises à fleurs et des tuniques de soie.

Celle de 2006, au Vietnam, avait d'ailleurs attiré quelques railleries au premier ministre Stephen Harper, à son retour à la Chambre des communes: «Monsieur le Président, je félicite le premier ministre pour sa séance de photos. Il était magnifique dans sa tunique», avait lancé le chef de l'opposition de l'époque, Bill Graham.

Mais M. Harper peut dormir tranquille cette année: pas de risque que le chef libéral Michael Ignatieff se moque de son kimono. Les organisateurs du sommet du Japon ont en effet décidé de ne pas suivre la tradition. À Hawaï l'an prochain, peut-être?

Rencontres bilatérales et immigration clandestine

Le premier ministre Stephen Harper dit vouloir faire de l'immigration clandestine l'une de ses priorités durant le sommet. En point de presse, il a indiqué que de meilleures lois et une coopération internationale accrue étaient nécessaires pour enrayer ce que son gouvernement a désigné comme une préoccupation grandissante au Canada.

C'est ainsi qu'Ottawa a introduit en octobre au Parlement sa «Loi visant à empêcher les passeurs d'utiliser abusivement le système d'immigration canadien». Comme son nom l'indique, ce projet vise à sévir contre les passeurs d'immigrants clandestins. Le gouvernement Harper a aussi nommé l'ancien directeur des services de renseignements canadiens, Ward Elcock, comme «conseiller spécial sur le passage de clandestins et la migration illégale».

Samedi, Stephen Harper a abordé la question auprès de certains partenaires de l'APEC, durant les nombreuses rencontres bilatérales qu'il a multipliées tout au long de la journée, dont le président philippin, Benigno Aquino, et le vice-premier ministre de la Malaisie, Muhyiddin Bin Mohd Yassin.

M. Harper a également rencontré ses homologues du Vietnam et de Brunei, et doit s'entretenir dimanche avec le premier ministre du pays hôte, Naoto Kan, de même que rencontrer l'empereur Akihito. Aucune rencontre n'est toutefois prévue avec les présidents américain ni chinois.

Protectionnisme et libre-échange

Plus tôt cette semaine, lors de la réunion des ministres des pays membres, l'APEC a invité ses gouvernements à éviter les mesures protectionnistes d'ici 2013. En plus de ce sujet et de croissance économique, les leaders parleront de libre-échange.

À l'ordre du jour, deux initiatives. La première, le Partenariat transpacifique, exclut le Canada, qui souhaiterait y adhérer, mais qui se voit l'accès bloqué, notamment en raison de ses politiques en matière de gestion de l'offre. Le Japon, aux prises avec des enjeux semblables avec son secteur agricole, vient tout juste de décider de reporter les discussions sur son adhésion à plus tard. Le Partenariat transpacifique inclut les États-Unis et sept autres pays.

La seconde entente potentielle découle entre autres des objectifs de Bogor. En 1994, les membres se sont entendus sur des cibles de libre-échange, de commerce et d'investissement jusqu'à 2010. Cette date limite atteinte, et plusieurs accords bilatéraux ayant été signés entre-temps, plusieurs espèrent maintenant que l'APEC pourra devenir elle-même une vaste zone de libre-échange. Les leaders doivent discuter des objectifs de Bogor dimanche.

Disputes, manifestations et terres rares

En terme de désaccords, il y a la «guerre des monnaie », évidemment, qui a défrayé la chronique tout au long du G20. Mais que cette querelle ait été ou non discutée dans les réunions à huis-clos, deux disputes territoriales servent de toile de fond à l'APEC, les deux impliquant le pays hôte.

La première touche le Japon et la Russie, dont les relations sont tendues depuis que le président russe, Dmitri Medvedev, se soit rendu au début du mois dans les Îles Kouriles, territoire disputé avec les Japonais depuis la seconde Guerre mondiale. Une rencontre entre le leader de Moscou et celui de Tokyo est toutefois prévue au cours de la fin de semaine pour en discuter.

La seconde implique la Chine et le Japon. Les Chinois auraient cessé leurs exportations de terres rares vers le Japon pour protester contre l'arrestation d'un capitaine de chalutier au large des îles Senkaku, dont les deux pays se disputent la souveraineté depuis des décennies. Des médias suisses ont rapporté que des manifestations avaient eu lieu dans les rues de Yokohama, samedi, pour dénoncer l'impérialisme chinois.

À propos de ces terres rares: le ministre canadien du commerce international, Peter Van Loan, a fait une sortie contre la Chine il y a quelques jours, disant que l'attitude du géant qui contrôle plus de 97 % du marché était «troublante». Ces minéraux sont utiles pour fabriquer plusieurs produits de haute technologie,  dont des écrans à haute définition. M. Van Loan s'est dit intéressé à trouver des investisseurs pour que le Canada développe son secteur minier dans ce secteur. Des Québécois se seraient d'ailleurs fait approcher par des Asiatiques en quête de nouvelles sources d'approvisionnement.

Faux lac et robots

Il y a quelques mois, le faux lac aménagé dans le centre des congrès de Toronto est devenu le symbole du coût jugé excessif de l'avant-dernier sommet du sommet du G20. C'est sans doute la raison pour laquelle Stephen Harper a paru très amusé de voir un autre faux lac au centre des congrès de Yokohama. Celui-ci, par contre, était encore plus artificiel que le premier: en plein centre de la salle où les leaders se sont réunis, il était fait de plusieurs écrans de télévisions, sur lesquels on pouvait voir des poissons nager. Reste à savoir combien celui-ci a coûté.

Cet appétit typiquement nippon pour la technologie est par ailleurs visible jusque dans la vaste salle des médias, où ces derniers sont accueillis à l'entrée par une vaste et impressionnante exposition de divers appareils et inventions: robots et écrans 3D témoignent du génie japonais.