Les leaders de la planète qui se réunissent à partir d'aujourd'hui à Huntsville, en Ontario, devront user de leurs plus grands talents d'équilibristes. Ils doivent notamment trouver un équilibre entre la relance économique d'un côté, et l'austérité budgétaire de l'autre.

Cet équilibre s'annonce difficile à trouver. «Les priorités commencent à être différentes», a reconnu cette semaine le premier ministre Stephen Harper, en entrevue à La Presse.

Hier, le ministre des Finances, Jim Flaherty, en a remis, précisant à Toronto que «différents pays vivent différentes situations».

D'un côté, il y a donc le Canada - qui joue un rôle de leader parce qu'il préside les sommets - qui tente de pousser l'idée selon laquelle les États, après avoir dépensé des centaines de milliards pour relancer l'économie, doivent maintenant mettre l'accent sur des finances publiques plus saines: retour à l'équilibre budgétaire ou, du moins, à des déficits moins grands.

Dans une lettre envoyée à ses collègues du G20, le premier ministre leur a demandé de s'entendre sur le principe suivant: réduire de moitié les déficits publics d'ici à 2013 et, d'ici à 2016, réduire leur dette en proportion du produit intérieur brut (PIB).

Dans cette optique, le budget qu'a déposé mardi le nouveau gouvernement anglais donne une bonne indication que le Canada n'est pas seul dans son camp. Ce budget prévoit notamment une hausse de la taxe de vente de 2,5% accompagnée de compressions importantes. Parlant d'une «action préventive», le ministre des Finances, George Osborne, a souligné qu'il ne voulait pas se retrouver dans la même situation que la Grèce, l'Espagne ou l'Italie. Décidément, les déboires grecs ont laissé des traces en Europe.

Cela dit, les Américains, eux, font pression pour que les mesures de relance soient poursuivies, dans une certaine mesure du moins. Washington craint ce que les hauts responsables appellent entre eux un «Hoover moment», c'est-à-dire un retour à la récession comme cela s'est produit dans les années 30 sous la présidence de Herbert Hoover.

Dans son budget de mardi, le gouvernement anglais a aussi annoncé qu'il allait taxer ses banques. Une taxe de 3 milliards de dollars canadiens que la France et l'Allemagne ont promis d'imiter.

Pis encore pour le gouvernement canadien qui s'est battu aux quatre coins de la planète contre une telle mesure, les Européens ont promis d'aborder la question au sommet du G20. Une «distraction», a souligné encore hier M. Flaherty, selon qui cette idée «retient beaucoup plus d'attention qu'elle n'en mérite».

La logique d'Ottawa: le système financier canadien a tenu le coup sans injection massive d'argent public, il ne mérite donc pas d'être taxé.

Selon le critique bloquiste Daniel Paillé, la position canadienne représente «un manque de solidarité» face aux pays qui ont dû secourir leur système financier. Il prône une taxe sur les bénéfices des banques réalisés dans les paradis fiscaux.

«J'ai peur que ça s'essouffle», ajoute-t-il toutefois, à propos du sentiment d'urgence qui prévalait au plus fort de la crise financière.

Compte tenu de ces positions diamétralement opposées entre le Canada et ceux qui veulent taxer les banques, le critique néo-démocrate Paul Dewar craint que «Toronto ne soit qu'une simple escale en route vers la Corée», où se tiendra le prochain sommet. Et cela, à cause du caractère «isolationniste» du gouvernement Harper, dit-il.

Mais il y a plus que les taxes qui seront au menu des dirigeants des 20 économies les plus développées. Toute la réglementation du système financier international fera l'objet de rapports d'étape: trouver le bon équilibre entre des banques en santé (qui détiennent suffisamment de réserves de premier niveau) et un système économique qui peut rouler grâce à des liquidités suffisantes fournies par ces mêmes banques.

Selon le critique libéral et ex-économiste en chef de la Banque Royale John McCallum, c'est le débat le plus important du sommet, le «test critique», dit-il, de ce sommet qui coûtera environ 1 milliard de dollars.

Mais, déjà, à peu près tout le monde s'entend sur le fait que la question ne sera pas réglée avant le prochain sommet du G20, qui aura lieu en novembre en Corée du Sud.

Si tel est le cas, «on aura perdu 1 milliard de dollars sans résultat concret», tranche-t-il.