Les Espagnols, qui peinent à se remettre d'une terrible récession, redoutent qu'une épidémie de «grippe G» s'ajoute maintenant à leurs tourments.

C'est ce que relevait il y a quelques jours un quotidien gratuit de la capitale qui utilisait cette métaphore sanitaire pour évoquer la crainte d'une extension au pays de la crise de la dette grecque.Bien que le gouvernement socialiste de Jose Luis Rodriguez Zapatero ne cesse de répéter qu'il fait déjà tout ce qu'il faut pour rétablir les finances publiques, nombre de ses concitoyens craignent d'être frappés par de nouvelles mesures d'austérité visant à rassurer les marchés.

C'est le cas notamment de Jose Maria Calvo, un architecte de 33 ans qui faisait le pied de grue jeudi matin, avec des dizaines d'autres personnes au chômage, devant le bureau de l'Institut national de l'emploi d'un quartier populaire de Madrid.

«Je viens présenter ma demande d'assistance. J'ai été mis à pied hier. Je le voyais venir puisque nous n'avons pratiquement plus de travail depuis un an», a-t-il indiqué.

Le jeune homme, qui rêve de partir travailler au Canada ou en Grande-Bretagne, verrait d'un mauvais oeil que le gouvernement coupe dans ses prestations pour sauver plus d'argent.

«C'est un droit pour lequel nous avons payé. Ce n'est pas comme si c'était un cadeau», a-t-il souligné.

Des files d'attente comme celle observée par La Presse se répètent partout dans le pays alors que le taux de chômage ne cesse de croître, alimenté notamment par l'effondrement du secteur immobilier.

Il a excédé officiellement cette semaine la barre des 20%, plongeant le gouvernement dans l'embarras.

Alors même que le premier ministre Zapatero exprimait sa préoccupation face à la détérioration du marché de l'emploi, des membres de son gouvernement multipliaient les déclarations de fermeté budgétaire.

Ils ont évoqué parallèlement, en vue d'inciter les compagnies à embaucher, une réforme du code du travail qui pourrait aboutir à une révision à la baisse des indemnités de départ prévues en cas de mise à pied.

Rien pour enthousiasmer les Espagnols, qui doivent déjà composer avec les retombées concrètes d'un plan d'austérité de 50 milliards d'euros sur trois ans prévoyant, entre autres, une hausse substantielle de la TVA.

L'organisation de secours catholique Caritas, qui vient en aide aux plus démunis, a signalé cette semaine en conférence de presse que le nombre de personnes faisant appel à ses programmes d'aide à la réinsertion avait pratiquement doublé en deux ans.

«On voit des personnes qu'on ne voyait jamais avant, incluant des entrepreneurs qui ont perdu leur entreprise et qui cherche de l'aide pour se replacer», souligne une responsable de l'organisation, Ana Jesus Gavela Alvarez.

Les statistiques diffusées dans les médias locaux ne disent rien des gens qui ont abandonné depuis longtemps tout espoir de se trouver un emploi. Comme Diamantino Dos Santos, un immigrant d'origine portugaise qui évoquait «l'amour de Dieu» pour obtenir quelques pièces des passants à une intersection du centre-ville.

«Il n'y a pas de travail. Que puis-je faire? Je ne vais pas me mettre à voler», a souligné l'homme de 60 ans, qui dit éprouver beaucoup de mal à joindre les deux bouts avec ses maigres ressources.

Selon Caritas, près de 30% des foyers espagnols peineraient aujourd'hui à faire face à leurs obligations financières mensuelles.

Isabel, une résidante madrilène de 38 ans, en sait quelque chose puisqu'elle a dû se résigner il y a un an et demi à retourner vivre avec ses parents après avoir perdu son emploi.

«J'ai l'impression d'avoir de nouveau 17 ans et de demander l'aide de maman et papa. Ce n'est pas facile à vivre mais je leur suis reconnaissante de m'accueillir. Sans eux, je serais à la rue», confie l'ex-secrétaire, qui multiplie les petits boulots au noir pour générer un modeste revenu d'environ 400 euros par mois.

Cette militante communiste ne cache pas son amertume envers le premier ministre, qui fait preuve, selon elle, d'une incompétence dramatique sur le plan économique. À tel point qu'elle appelle de ses voeux un retour au pouvoir de la droite, reflétant la sévère baisse de popularité du chef du gouvernement.

Malgré l'importance de la crise et des problèmes rencontrés par les Espagnols, les manifestations demeurent très rares.

«C'est désespérant. J'ai l'impression que les gens ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. Ils ont peur. Tout le monde est dans l'insécurité», conclut Isabel.