Accusées d'avoir contribué à la crise bancaire en 2008, les agences de notation reviennent sur le devant de la scène. L'abaissement ces derniers jours des notes des dettes souveraines de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne a fait chuter les marchés et redonné vigueur aux appels à la réforme de ces sociétés au fonctionnement opaque, soupçonnées de conflits d'intérêts récurrents.

Les trois principales agences de notation sont Standard & Poor's, Moody's et Fitch, toutes américaines. Leurs notes sont censées évaluer la solvabilité d'un emprunteur - qu'il s'agisse d'entreprises privées (banques) ou publiques, de collectivités locales ou d'Etats.

Plus la note du produit ou de l'emprunteur est élevée, plus l'investisseur est rassuré sur les chances de revoir son argent.

En 2008, les agences avaient été sévèrement critiquées pour avoir accordé de très bonnes notes à des produits d'investissement douteux - notamment les titres adossés à des crédits hypothécaires, les «subprimes» - qui s'étaient avérés très risqués et avaient déclenché la crise bancaire.

Ces jours-ci, c'est Standard & Poor's qui est montrée du doigt pour avoir mis le feu aux poudres sur les marchés en abaissant la note de trois pays. Une décision qui a automatiquement fait grimper les taux d'intérêts auxquels ces pays peuvent emprunter sur les marchés et fragilisé l'euro face aux spéculateurs.

Dans les deux cas, leurs détracteurs appellent à la réforme des agences sur la base de deux principaux arguments: leur méthode de notation est trop opaque, et il existe un risque de conflit d'intérêts dans la mesure où elles sont payées par des clients dont elles notent les produits.

«C'est comme si une des parties d'un procès payait le salaire du juge, ou si, dans une compétition, une des équipes payait le salaire de l'arbitre», a résumé la semaine dernière le sénateur américain Carl Levin, lors d'une audition au Congrès sur leur rôle dans la crise de 2008.

En France, le ministre du Travail, Eric Woerth, a estimé jeudi qu'elles auraient «parfois» besoin d'être «réformées», et devaient «arrêter d'être dans un système où elles emballent elles-mêmes les choses».

Les agences de notation se trouvent déjà dans le collimateur des autorités européennes et américaines, officiellement engagées dans la réforme du système financier. En Europe, le Parlement a approuvé l'année dernière un système de contrôle de leurs activités, qui doit entrer en vigueur en décembre prochain. Aux États-Unis, le projet de réforme de la finance de l'administration Obama actuellement examiné au Sénat prévoit également un meilleur contrôle de leur fonctionnement.

Sur les deux continents, les agences seraient contraintes de s'enregistrer auprès des autorités de régulation des marchés: le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CESR) dans l'Union européenne, la SEC (Securities and Exchange Commission) aux États-Unis. À terme, un nouvel Office des agences de notation serait créé au sein de la SEC, tout comme une nouvelle instance de régulation en Europe.

Aux États-Unis, les agences devraient également dévoiler leurs méthodes de notation, ainsi que toute possibilité de conflit d'intérêts, notamment dans leur mode de rémunération et leurs relations avec l'émetteur d'un produit d'investissement. En Europe, elles seraient légalement responsables de leurs notations et pourraient perdre le droit d'exercer sur le continent en cas de faute.

Si les événements des derniers jours ont une nouvelle fois démontré leur influence, certains économistes et investisseurs ont toutefois tendance à minimiser le poids des agences de notation, réputées pour agir tardivement. Andy Brenner, chef du département des marchés émergents à Guggenheim Securities, souligne ainsi que les obligations grecques s'échangeaient au niveau spéculatif depuis plusieurs semaines avant la décision de Standard & Poor's.

Richard Kang, chef de l'information à Emerging Global Advisors, estime également que les agences ont perdu une partie de leur crédibilité lorsqu'il s'agit de noter les dettes souveraines de pays. «Quand elles abaisseront leur note, il sera trop tard, affirme-t-il. Les agences de notation sont célèbres pour ça.»