Wang Shengpei a une usine dans le sud de la Chine qui produit des bottes en cuir, des escarpins et des chaussures de jogging pour les consommateurs aux États-Unis, en Europe et en Asie du Sud-Est. Et tout ce qui se dit sur le yuan l'inquiète.

Wang est l'un des milliers de manufacturiers en Chine qui attendent avec appréhension un changement dans la politique monétaire du pays et redoutent qu'une appréciation du yuan ne réduise sérieusement leur marge bénéficiaire déjà très mince et leur fasse perdre leur compétitivité sur les marchés extérieurs.

«S'il doit monter, j'espère que ca ne sera pas trop vite», dit à l'AFP par téléphone M. Wang, président du Dongguan Kuari Shoes Industrial Group, basé dans la province du Guangdong, premier centre manufacturier de Chine.

«Si le yuan monte de 1%, notre marge bénéficiaire baissera de 0,5% parce que les prix ont déjà été fixés» avec les clients, dit-il.

«Il y aura un impact important sur les marges bénéficiaires de l'industrie en général», assure-t-il.

Alors que Pékin est de plus en plus sous la pression occidentale, américaine notamment, les experts spéculent sur une prochaine appréciation du yuan qui va renchérir les expéditions de biens électroniques, vêtements ou chaussures mais devrait stimuler la croissance intérieure en abaissant le prix des importations.

La Chine, devenue premier exportateur mondial, maintient sa monnaie, le yuan, ou renminbi («monnaie du peuple») arrimée au billet vert depuis juillet 2008, à 6,8 pour un dollar, afin de soutenir un secteur manufacturier durement frappé par la crise internationale et qui emploie des dizaines de millions de salariés.

Mais les critiques de Pékin arguent que la valeur du yuan donne un avantage indû à la Chine sur les marchés extérieurs et des membres du Congrès américain ont fait un intense lobbying pour que Pékin soit accusé de «manipuler sa monnaie», ce qui ouvrirait la voie à des sanctions.

Le président américain Barack Obama a encore en début de semaine à Washington poussé le président chinois Hu Jintao sur cette question, lui expliquant que le yuan était «sous-évalué». La Chine a répondu en faisant de nouveau savoir qu'elle ne cèderait pas aux pressions de l'étranger.

La Chine a étudié de près l'impact potentiel d'un yuan plus fort sur son secteur manufacturier.

Selon de premières indications, chaque hausse d'un point de pourcentage du  yuan érode un point de pourcentage des marges des exportateurs, qui s'échelonnent de 3% à 5%, ont indiqué les médias officiels.

La Chine avait un peu assoupli son régime de change en 2005, laissant le renminbi s'apprécier de 20% par rapport au billet vert. Mais lorsqu'a éclaté la crise financière mondiale à la mi-2008, elle a arrimé de nouveau le yuan au dollar pour stimuler ses exportations.

Des économistes maintiennent qu'un yuan fort est essentiel si la Chine - troisième économie mondiale désormais - veut limiter sa dépendance par rapport à ses exportations et stimuler la consommation intérieure.

«Les exportateurs vont souffrir avec une monnaie appréciée», dit Ben Simpfendorfer, économiste à la Royal Bank of Scotland à Hong Kong.

«Mais une hausse de la monnaie aura aussi pour effet d'accélérer les ajustements structurels dans le secteur exportateur à faible valeur ajoutée», explique-t-il.

Confronté au risque de marges plus faibles, les exportateurs vont devoir augmenter leurs prix et maintenir les salaires à un niveau stable pour faire face, explique M. Wang.

Mais cela ne sera pas facile, admet-il.

«Cela dépendra de la situation dans laquelle se trouvent les entreprises et si les clients sont compréhensifs et acceptent des hausses».

«C'est très difficile de relever le prix une fois qu'il a été convenu. Il y aura moins de latitude pour relever les salaires», ajoute-t-il.