Décriées lors de la crise, les agences de notation, chargées d'évaluer la solidité financière d'un État ou d'une entreprise, se défendent aujourd'hui d'avoir semé la panique sur les marchés en dégradant la note de la Grèce, mise depuis sous quasi sous-tutelle européenne.

«On ne comprend pas toute cette psychose. Nous avons commencé à baisser la note de la Grèce depuis 2004 et personne n'a réagi», confie-t-on à l'agence américaine Standard and Poor's (S&P).

Inquiètes de l'état des finances publiques d'Athènes, S&P, Moody's et Fitch, les trois agences qui règnent sur le marché, ont délivré tour à tour un verdict négatif sur la capacité du pays à rembourser sa dette. Autrement dit, la Grèce, qui vit au-dessus de ses moyens, devra payer plus cher pour financer son déficit budgétaire.

«Nous doutions que la Grèce puisse prendre des mesures favorables à un redressement du pays car elle n'a jamais véritablement suivi toutes les directives venant de l'Europe», plaide Marc Ladreit de Lacharrière, président de Fitch, en référence au pacte de stabilité monétaire.

Ce scepticisme a ébranlé la zone euro, en raison des rumeurs de contagion de la crise grecque aux pays du sud (Portugal, Italie, Espagne) et à l'Irlande.

La nervosité a gagné les marchés. La devise européenne a alors été la cible d'un mouvement de spéculation sans précédent depuis sa création en 1999.

«La pression des marchés oblige encore plus les gouvernements à faire preuve de discipline budgétaire», tente-t-on d'expliquer chez Fitch. En vain, les critiques affluent.

«Sur la Grèce, les agences de notation jouent surtout un rôle de porte-parole des marchés», dénonce Charles Wyplosz de l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève.

«Elles ont pu être à l'origine d'une sorte de bulle sur la dette grecque», renchérit Jérôme Creel de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Depuis plusieurs décennies, S&P, Moody's et Fitch passent au crible une centaine de pays et leur attribuent des notes allant du prestigieux «AAA», permettant de bénéficier des meilleurs taux d'intérêt, au redouté «DDD», signalant la ruine d'un État. Quand un pays voit sa note dégradée, cela augmente ses coûts de financement.

Mais, moins de deux ans après la débâcle des «subprime», ces crédits immobiliers complexes qu'elles avaient bien notés, les trois agences de notation veulent éviter que la crise grecque ne se transforme en leur procès.

«Un État en défaut de paiement ne signifie pas qu'il est en faillite», indique-t-on chez S&P.

Tordre le cou aux rumeurs et rassurer, telle est la ligne de défense de Fitch, qui assure qu'«il n'y a pas de raison pour l'instant de dégrader la note de l'Espagne, qui a pris rapidement des mesures assez ambitieuses pour réduire son déficit public».

Souhaitant dissiper la «confusion» sur l'omnipotence des agences, Moody's a publié cette semaine un document décrivant sa méthodologie de notation, «ceci afin de renforcer la transparence».

À l'unisson, les trois agences écartent aussi tout éclatement de la zone euro.

«Un effondrement de l'UEM (Union économique et monétaire) est un risque extrêmement faible», jure Fitch. «Et ce n'est pas un résultat que les marchés peuvent obtenir».

S&P souligne qu'un pays qui sortirait de la zone euro ne connaîtrait pas une «reprise durable».

Il n'empêche, «tant qu'on n'aura pas mieux réglementé les agences de notation, on n'aura pas tiré toutes les leçons de la crise», relève Charles Wyplosz.

Les leaders du G20 ont décidé d'encadrer davantage leur fonctionnement. Si une loi est en cours auxÉEtats-Unis, en Europe un règlement est entré en vigueur le 7 décembre et sera appliqué fin 2010.